Gargantua, François Rabelais, Rabelais, chevalerie, pastiche, parodie, relecture ludique, comique, rire
À la fin du chapitre précédent, on a vu Frère Jean équipé, contre son gré, de pied en cap. Au lieu de son froc et de son bâton de la croix, on le dote d'une bonne épée large et courte, un « braquemart » et on le place sur un excellent cheval, un « bon coursier du royaume » de Naples. Avec les compagnons de Gargantua, solidement armé, « la lance au poing » il s'avance pour se battre. On est dans la tonalité épique.
Le chapitre XLII est intéressant en ce qu'il montre Frère Jean revenir à son équipement précédent. L'attention se porte en particulier sur le froc, dont le moine fait l'éloge. C'est là, pour Rabelais, après avoir pastiché et parodié des romans de chevalerie, l'occasion de se livrer, une fois encore, obstinément, à la satire des moines et de la papauté en se raillant des Décrétales.
[...] il en vaut bien trente.] Du point de vue de la forme, Rabelais, qui est poète, s'amuse à faire rimer les vers latins, comme Bernard de Cluny (voir III, à moins qu'il ne s'agisse pas de sa création mais de la reprise d'une chanson déjà existante, dans le style des Goliards. Pour le sens, il s'agit de poursuivre la dénonciation des monastères comme lieux de mauvaise compagnie. Au chapitre XL, ils sont assimilés aux lieux d'aisance d'une maison, des « retraits ». Au lieu renfermé qu'est le cloître s'opposera le lieu ouvert de Thélème. Frère Jean est désormais en bonne compagnie. Sa valeur est exprimée de façon burlesque avec le nombre d'œufs. Mais le latin de ce chapitre XLII n'est pas seulement macaronique. [...]
[...] » Chez Rabelais, la situation burlesque du personnage « pendu par les oreilles » ne supprime pas l'idée du danger encouru par le personnage. On pense à l'expression teneo lupum auribus : « je tiens le loup par les oreilles » pour signifier qu'on est dans l'embarras et qu'on ne sait pas comment s'en sortir. Mais ici c'est le moine qui est dans la position du loup. Cette situation délicate fournit à Rabelais l'occasion de critiquer, une fois encore, l'inaction de l'Église. [...]
[...] Il refuse de se conformer au code chevaleresque, comme au code ecclésiastique. Comme les protestants et les évangélistes il se dépouille de tout ce qui est superflu. Il revient à l'essentiel : le bâton de la croix, dont le pouvoir est présenté de façon étonnante dans la bouche d'un moine. Pour dire qu'il fait des merveilles, il utilise l'expression « faire diables », autrement dit, « jouer des tours diaboliques ». Vrai chrétien, Frère Jean est plus fort que les Malin et ses auxiliaires. [...]
[...] Une fois encore, Franciscus Rabelæsus joue et ce jeu n'est pas sans délivrer un message sérieux. [...]
[...] Ses paroles s'opposent à celle de son « sous-sacristain » dont l'oraison « anti-artillerie » est dénuée d'efficacité. Pour vaincre, rien ne vaut le froc et le bâton de la croix, supérieurs également au harnachement des chevaliers. Rabelais réécrit à sa manière les romans médiévaux, les chansons de geste et la Bible. Obstinément, conformément à la devise qu'on lui a parfois prêtée, il décoche des traits contre l'état monastique censé mépriser le monde et contre la papauté, en utilisant le latin macaronique, ecclésiastique ou classique. [...]
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