Gargantua est placé sous les signes du rire et du sérieux dès son prologue. Rabelais, dans son roman, parodie les épopées chevaleresques. Après la naissance, l'enfance et l'adolescence du héros vient donc son éducation dont il est question dans ce chapitre. Grandgousier, père de Gargantua, aborde le sujet avec sérieux et décide de le faire éduquer par un sage afin qu'il reçoive la meilleure éducation possible. C'est au chapitre précédent qu'il lui découvre « de raison plus que d'âge » lorsque Gargantua expose à son père les différents moyens qu'il a inventés de se torcher le cul. Alors que la chose peut nous paraître grotesque, Grandgousier en fait grande considération et trouve moyen, dans ce texte, d'en faire même l'apologie.
[...] Cette réflexion montre bien qu'elle représente les débuts des exploits d'Alexandre qui sans cette déduction n'aurait pu monter habilement ce cheval. Grandgousier suit, dans ses explications, le raisonnement mené par Alexandre, ce qui explique la présence des liens logiques comme « dont » (l. 14) et « si que » (l. 15) qui permettent de mimer le chemin et la fluidité de la pensée. Alexandre trouve enfin le moyen de rendre doux le cheval ce qui montre que sa compréhension de l'animal a été chose primordiale. [...]
[...] Les adjectifs « terrible et effréné » témoignent de la sauvagerie du cheval, ou du moins de sa non-domesticité, et l'hyperbole marquée par le « si » au début de l'expression fait de ce cheval, un cheval d'exception (au sens littéral de peu commun). On note également la négation absolue qui suit, « nul osait monter dessus », et qui souligne à la fois le danger que représentent le cheval et le caractère exceptionnel de la situation. Le comique se fait déjà sentir car les exploits d'Alexandre ne semblent pas comparables avec ceux de Gargantua, l'un se trouvant face à un danger que l'on comprend qu'il va surmonter, l'autre inventant un torche cul . [...]
[...] Même après que Grandgousier a terminé de raconter les exploits du jeune héros, on lit que ses paroles sont toujours empreintes de ce récit. Le décalage entre l'exploit héroïque d'Alexandre et l'invention un peu grotesque du torche-cul par Gargantua créé l'effet comique de l'extrait. Cela pourrait faire penser à l'éloge de l'inconstance de Dom Juan dans la pièce éponyme de Molière, éloge qui s'achève sur une comparaison entre Dom Juan et Alexandre, avec dans ce texte aussi un décalage entre les actions et pensées du héros et celles du prince. [...]
[...] Ainsi, comme un père fier de son enfant, il présente ses exploits en soulignant qu'il s'agit bien de « son fils Gargantua ». Dès cette première phrase, le lecteur semble invité à rire. Conscient du sérieux de Grandgousier et du décalage de ses propos avec à la réalité, la situation est empreinte d'un certain comique. On ne sait si l'on peut lire de l'ironie chez le narrateur, mais le simple récit, d'un père qui honore l'invention grotesque de son fils (un torche cul) invite à rire par le décalage entre les considérations du lecteur et celles des personnages. [...]
[...] Grandgousier a fini de conter les exploits d'Alexandre mais s'adresse toujours aux gouvernantes de Gargantua. En regard du « divin entendement » d'Alexandre, il trouve à Gargantua un « entendement [qui] participe de quelque divinité » (l. 23-24) comme si l'un comme l'autre avait été inspiré par les dieux à la manière des poètes grecs. L'énumération qui suit pourrait de même caractériser Alexandre : « tant je le vois aigu, subtil, profond et serein » (l. 24). Le comique réside dans cette sorte d'hypallage où tous les mérites d'Alexandre reviennent, par la bouche de Grandgousier, à Gargantua, toujours persuadé que les exploits et les mérites des deux jeunes hommes sont comparables. [...]
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