Ce court texte narre l'aventure de l'équipage de L'Indien parti pour cinq années d'expéditions scientifiques autour du globe. L'on ne sait ni quand ni où cette histoire a lieu. On suppose juste grâce à de très rares indications que le voyage est postérieur à la Première Guerre mondiale et est parti de la France, si l'on prend en compte les consonances des noms des membres de l'équipage. Le récit est narré à la troisième personne tantôt sur le mode de la chronique scientifique, marine, tantôt sur un mode plus lyrique notamment à la fin du roman et fait place à différents journaux que ce soit des journaux de bord ou des journaux intimes. Ainsi dans ce texte plusieurs voix s'entremêlent et pourtant semblent n'en former qu'une : celui de l'homme à la recherche d'un monde nouveau.
En effet si au départ le récit est axé davantage sur le but scientifique de l'expédition, peu à peu ce voyage se perçoit comme une retraite du monde moderne et devient une quête du merveilleux ou du moins de ce qui laisse libre l'imaginaire, car le principal sujet du roman est l'imaginaire humain à travers la découverte du monde marin. Petit à petit les membres d'équipages sont les témoins des manifestations des monstres, que l'auteur appelle aussi des « anges ». Ce sont des oiseaux à couleurs inconnues, des poissons poilus, une raie géante, des baleines qui sont prises pour des îles et l'ange le plus gros de tous est un calamar géant. Cependant ces monstres n'ont rien de monstrueux, les membres de l'équipage ne veulent pas lutter contre eux, d'ailleurs le combat paraît inutile mais en sont subjugués.
[...] Si on trouve de nombreuses occurrences des symboles stéréotypés comme l'oiseau associé à l'idée de liberté, l'usage même de la comparaison ouvre un nouveau champ possible de description de la mer. Giono sort des sentiers battus et traite de la mer par le biais des termes descriptifs avec lesquels il a l'habitude de travailler et qui appartiennent au champ lexical de la faune et flore du climat méditerranéen. Cela crée un effet constant de décalage que la couleur de la mer soit couleur jaune comme de la paille ou que le navire ébranlé par la pluie soit comparé à un cheval qui refuse C'est ce décalage presque à la façon des surréalistes sans pourtant que la coupure soit étrange qui rend l'écriture poétique. [...]
[...] Les personnages face à la raie géante parlent d'odeur de narcisse, de printemps, tandis que face au calamar qui rejette toute sa semence en l'espace d'une journée ils qualifient l'odeur de cette substance comme celle de la fleur de châtaignier, ou de farine mouillée. L'ouïe aussi est sollicitée lorsque le narrateur écrit que les gouttes sonnent Il en va de même pour la sensation comme c'est le cas lors du touché des poissons velus. Mais ce sont surtout le goût et la vue qui sont présents. [...]
[...] Ce qui nous permet, Monsieur, de le précipiter par l'imagination aussi bien dans les gouffres du ciel, que dans les gouffres de la mer. 5. Un hymne à la vie Les aspects lyriques du texte peuvent nous amener à une lecture du texte compris alors comme un chant. Ce texte qui semble mêler tous les arts par la virtuosité de l'imaginaire, la peinture que ce soit les couleurs décrites ou les enluminures qui ouvrent chaque chapitre, le chant, l'écriture se donne pour but de mouvoir le cœur des hommes, de leur faire ressentir la vie qui les habite et que le monde moderne refrène. [...]
[...] L'imaginaire comme remède Pour se trouver une âme, Giono semble orienter l'équipage dépeint, mais aussi le lecteur vers l'imaginaire, perçu alors comme remède. Ce voyage en mer se comprend clairement comme la recherche d'un remède au malaise du monde moderne. Le terme même de remède est employé par le capitaine même p Je n'ai que faire de rapporter des classifications zoologiques, géologiques, botaniques, ou dans tous les domaines. Tout ce que nous connaissons dans cet ordre de chose ne nous apporte rien (qui soit un remède). [...]
[...] En ce sens, Fragments d'un paradis est moins un roman d'aventure qu'un apologue, qui est un discours narratif qui renferme une morale. Ainsi, il est nécessaire de révéler ce sens . II. Un apologue Giono dicte ce texte en 1944 en pleine guerre et si le texte n'est pas inscrit clairement dans une temporalité précise, il se fait porteur de la voix pacifiste de Giono. Ce court texte est davantage un apologue qu'un roman d'aventure, ce qui pourrait paraître plus courant dans la littérature de la mer. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture