Dans la scène d'exposition de la comédie de Molière, Les Fourberies de Scapin, deux personnages, Octave, fils d'Argante et son valet Sylvestre échangent sur le retour d'Argante et un éventuel projet de mariage. Si cette entrée dans la comédie classique du XVIIIe siècle se fait selon les mêmes critères que d'autres comédies comme Le Malade Imaginaire ou Tartuffe, ce qui fait de Molière un dramaturge bien ancré dans son époque, en revanche, certains détails nous surprennent par leur originalité.
Il sera intéressant de montrer en quoi cette scène d'exposition de comédie va concilier classicisme et originalité, et par là donner le ton de toute la pièce. L'étude du jeu théâtral puis des choix particuliers à Molière va nous éclairer dans ce sens.
[...] . Le spectateur se demande alors s'il s'agit bien d'une comédie. L'autre élément qui est mis en place par Molière est une utilisation de registres d'expression non employés d'habitude dans une comédie : il s'agit de cette tonalité pathétique ou tragique qui apparaît dans le langage des personnages. Un des champs lexicaux employés est plus proche de la tragédie : fâcheuses dures extrémités cruelles conjonctures mourir . D'autre part, les plaintes d'Octave pourraient davantage inspirer la compassion que le rire. [...]
[...] L'étude du jeu théâtral puis des choix particuliers à Molière va nous éclairer dans ce sens. Le jeu théâtral qui implique le dramaturge, les personnages et le spectateur répond à des critères classiques comme l'annonce de l'intrigue, le dialogue maître-valet et le registre comique. Dès les premiers mots de la scène, nous avons la sensation d'entrer in medias res c'est-à-dire que l'intrigue est déjà engagée par l'annonce de l'arrivée du père, celle d'un projet de mariage, et l'impression que Octave et Sylvestre reproduisent par convention et pour le spectateur, une conversation qu'ils auraient eue auparavant : semblent en témoigner les difficultés d'Octave pour amener Sylvestre à confirmer des informations que son maître détient déjà. [...]
[...] Ce traitement du rapport maître/valet est original pour le XVIIe siècle et Molière excelle particulièrement dans l'approche de ce genre de situation. La situation dans laquelle se trouve Octave est évoquée de manière originale également. Si l'intrigue basée sur un mariage arrangé et non désiré est courante dans la comédie, dans cette scène, elle prend une dimension nouvelle par des accents quasiment cornéliens. Otave semble craindre les réprimandes d'Argante plus que toute autre chose. Le spectateur ne sait pas encore trop pourquoi mais, outre cet amour caché éprouvé par Octave, il y a aussi de mystérieuses affaires qui soutiennent le suspense. [...]
[...] Cependant, il existe un certain nombre de détails qui n'entrent pas dans ces critères. Molière a pour habitude de ne pas se laisser aller à la monotonie et à la répétition de scènes convenues. C'est encore le cas ici en ce qui concerne le rapport maître-valet, la réutilisation du dilemme cornélien et la parodie d'un registre pathético tragique. Les échanges entre Octave et Sylvestre prennent à plusieurs reprises une tournure peu conventionnelle. Sylvestre passe d'une attitude très détachée en fournissant des réponses très laconiques qui sont à la limite de la politesse, aux marques d'impatience comme Qu'ai-je à parler davantage? [...]
[...] Les pistes de l'intrigue sont lancées. Le jeu théâtral de la comédie traditionnelle implique également le dialogue entre le maître et son valet, ici entre Octave et Sylvestre. Le maître emploie le tutoiement et le valet vouvoie son maître. C'est le maître qui mène le dialogue, qui pose les questions et le valet qui doit y répondre, même si c'est de mauvaise grâce. C'est la figue habituelle du valet de farce sur lequel va tomber un nuage de coups de bâton Enfin, nous constatons que Sylvestre a été chargé d'aller prendre des informations auprès de l'oncle d'Octave : tu tiens ces nouvelles de mon oncle ce qui donne au valet le rôle de messager. [...]
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