Le poème étudié dans ce document "Vivante ou morte, ô toi qui me connais si bien" est tiré de l'œuvre "Le forçat innocent" de Jules Supervielle. Sa structure est irrégulière c'est à dire un doublet, deux quatrains et puis un tercet. Le mètre des vers est le décasyllabe. Le poème est sans titre, et relate une sorte de voyage intérieur, une quête initiatique du poète dans le plus profond de son être pour explorer ses côtés obscurs, une recherche vers une meilleure connaissance de soi.
Le poète s'adresse à une présence ambiguë dont les contours demeurent insaisissables. C'est une présence qui est « là », perceptible puisque le poète s'adresse directement à elle, si l'on juge par l'interjection « Ô toi ». Elle représente son interlocuteur. Inconnue, tout ce qu'on sait d'elle c'est son appartenance au genre féminin. Nous parlions alors d'une complicité liant le poète à cette entité féminine.
[...] L'opposition entre la vue d'ensemble et celle fragmentée s'ajoute au schéma de l'antithèse. Ah que j'arrête un jour ta chair à la dérive, Toi qui vas éludant mon désir et le tien, Au large de mes mains, qu'escortent des abîmes, Quand mes pieds pour appui n'auront qu'un frêle bruit. Le je du poète devient plus affirmé, après avoir été partagé par l'incertitude. La phrase au mode impératif et l'interjection confirment une sorte de regain. C'est un je qui exprime le souhait d'avoir le pouvoir d'arrêter un processus incontrôlable. [...]
[...] L'évocation du désir est à rapprocher avec l'idée de la vie qui est progressivement escamotée avec le passage du temps. Un bruit de petit jour étouffé de ténèbres Mais capable pourtant de toucher ta fenêtre Et de la faire ouvrir Le poème s'achève sur une note d'espoir. Evoquant le bruit de petit le poète met en évidence une scène de mouvement en parlant du bruit qui se déroule à un moment particulier qu'est le petit jour On se débarrasse finalement de l'atmosphère inquiétante, précédemment évoquée, pour passer à l'atmosphère de la vie et de l'épanouissement. [...]
[...] Inconnue, tout ce qu'on sait d'elle c'est son appartenance au genre féminin. Nous parlions alors d'une complicité liant le poète à cette entité féminine. Cette connivence est non seulement confirmée par la subordonnée relative qui me connaît si bien mais elle est renforcé par l'adverbe d'intensité si bien puisqu'il est question d'une intimité subtile, profonde, essentielle, inscrite de façon sous jacente dans une temporalité antérieure, même si le temps n'est représenté dans ce poème sous forme d'une période, entre la nuit et le petit jour dans un présent qui semble ne jamais s'achever. [...]
[...] Le mystère, représenté par la présence évoquée dans les deux premiers vers, s'épaissit encore plus par le choix d'un cadre temporel et spatial ambigu. La comparaison comme un voilier qui sent venir la haute mer a pour fonction d'apporter une explication à propos de l'oreiller qui tremble On pourrait voir dans le choix du voilier une indication biographique concernant le poète : Grand amateur de voyages, Supervielle avait passé une grande partie de sa vie à traverser l'océan Atlantique entre l'Uruguay, son pays natal, et la France, celui de ses origines. [...]
[...] "Le forçat innocent", Jules Supervielle (1930) - "Vivante ou morte, ô toi qui me connais si bien" Vivante ou morte, ô toi qui me connais si bien, Laisse-moi t'approcher à la façon des hommes Il fait nuit dans la pièce où tremble un oreiller Comme un voilier qui sent venir la haute mer, Et je ne comprends si je suis l'équipage Ou l'adieu d'un bras nu resté sur le rivage. Ah que j'arrête un jour ta chair à la dérive, Toi qui vas éludant mon désir et le tien, Au large de mes mains, qu'escortent des abîmes, Quand mes pieds pour appui n'auront qu'un frêle bruit. [...]
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