Mettre la réflexion scientifique au niveau de ce que l'on appelle maintenant "le grand public" n'est pas chose facile. A l'époque de Fontenelle, le public était plus restreint et plus cultivé, mais avec, comme il le dit lui-même, "l'esprit curieux et les yeux mauvais". C'est la raison pour laquelle, dans le dialogue du "Premier Soir", il fait particulièrement appel aux facultés visuelles pour expliquer à la marquise, son interlocutrice, les coulisses de la nature. Il s'agit en effet dans ce premier entretien de faire comprendre que tous les phénomènes naturels ont une cause explicable même si l'observateur novice, simple spectateur, n'en saisit pas le mécanisme. A partir de là, Fontenelle ouvre deux pistes de réflexion et d'information. Il montre en effet quelle est la situation du spectateur, et quelles ont été, dans l'Antiquité, les démarches des philosophes. C'est là une façon de souligner les erreurs passées, et donc de mettre en relief une évolution par rapport à des théories dépassées. Il manifeste ainsi une foi dans le progrès qui est celle des Modernes.
L'étude du texte pourra mettre en relief les techniques de vulgarisation par l'analyse de la métaphore qui le parcourt. On pourra en déduire les caractéristiques de l'esprit moderne, principalement marqué par la confiance dans le progrès.
I. UN TEXTE CONSTRUIT SUR UNE MÉTAPHORE
La toute première lecture du texte révèle son originalité : il est construit d'un bout à l'autre sur une métaphore filée dont les éléments sont donnés d'entrée et développés ensuite de manière efficace et habile. On peut repérer un vaste champ lexical du monde du spectacle à partir duquel, en fonction de l'affirmation initiale ("La nature est un grand spectacle"), on passe à une assimilation avec la nature. L'emploi de termes à double sens, ou appartenant à la fois aux deux domaines (nature et spectacle) permet peu à peu de créer une véritable imbrication dans laquelle tous les éléments envisagés (lieux, processus, mécanismes, observateurs, analystes des phénomènes) sont explicités par la comparaison sous-jacente. On peut mettre en évidence cette évolution du texte pour montrer ensuite comment se fait progressivement l'imbrication qui permet une meilleure compréhension (...)
[...] Du lieu où vous êtes à l'opéra, vous ne voyez pas le théâtre tout à fait comme il est ; on a disposé les décorations et les machines, pour faire de loin un effet agréable, et on cache à votre vue ces roues et ces contrepoids qui font tous les mouvements. Aussi ne vous embarrassez vous guère de deviner comment tout cela joue. Il n'y a peut-être guère de machiniste caché dans le parterre, qui s'inquiète d'un vol qui lui aura paru extraordinaire et qui veut absolument démêler comment ce vol a été exécuté. Vous voyez bien que ce machiniste-là est assez fait comme les philosophes. [...]
[...] C'est grâce à son intervention que le mystère du phénomène du vol de Phaéton est expliqué, d'une manière simple et facilement accessible qui reprend les images du ressort et du contrepoids. Le désir de clarté et de vulgarisation On peut enfin analyser ce qui relève de l'esprit moderne, le refus des préjugés, des superstitions et des croyances relevant de ce que l'on appellerait maintenant une mentalité magique. La vulgarisation est un souci constant de l'esprit nouveau, qui considère qu'il faut écarter toute source d'erreur. [...]
[...] H va donc corriger son œuvre suivant les progrès de la science, et, de 1686 à 1742, l'on peut compter au moins huit éditions auxquelles .il apportera compléments ou corrections. La marquise de la Mésangère, est une jeune veuve de vingt-sept ou vingt-huit ans. vivant dans son château près de Rouen. Ce n'est pas Fontenelle seul qui l'a rendue célèbre dans l'histoire littéraire : elle fut aussi la destinataire d'une idylle de La Fontaine, Daphnis et Alcimadure, parue en 1685 et insérée en 1694 au livre XII des Fables (fable 24). [...]
[...] Le principe de l'entretien et la diversité de renonciation L'entretien est une technique pédagogique efficace. Il permet l'échange, les répliques immédiates, la relation directe. S'il n'y a pas d'échange perceptible dans l'extrait donné ici, on peut cependant noter l'appel constant à l'interlocutrice. Le vous revient en effet à plusieurs reprises et son ambiguïté certaine constitue à la fois un charme et une efficacité. Il désigne naturellement d'abord l'interlocutrice privilégiée, la marquise. Il peut ensuite correspondre à l'emploi du pronom personnel (à la manière de T a Fontaine) qui implique tout lecteur et l'intéresse au contenu du discours. [...]
[...] On note en effet : les lieux : du lieu où . Souligne la position du spectateur, de même que le mot parterre ; l'opéra», le théâtre rappellent le cadre ; le spectateur profane : c'est vous l'interlocutrice du narrateur, et au-delà de ce personnage privilégié, c'est le lecteur. Fontenelle le met en situation de spectateur en précisant le lieu où il se trouve et le rôle que joue pour lui les perceptions visuelles; le spectacle : décoration effet agréable tout cela vol extraordinaire On note une insistance sur le côté spectaculaire, éblouissant; les mécanismes cachés : ils sont évoqués sous la forme d'un vocabulaire technique : machines roues contrepoids ; le technicien : c'est le machiniste caché qui observe en connaissance de cause et exerce sa perspicacité d'homme de l'art à démêler les secrets du spectacle. [...]
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