Les Fleurs du Mal, La Mort des Artistes, poème CXXIII, Charles Baudelaire, Spleen Idéal, recueil poétique
La Mort des Artistes est le CXXIIIème poème du recueil édité en 1861. Paradoxalement et bien que Baudelaire en soit un, la place des Artistes dans cette section ne fait que suivre celle des Amants puis des Pauvres. C'est un sonnet, certes régulier (puisque le second quatrain reprend les mêmes rimes que le premier), ce qui n'est pas si fréquent chez l'auteur, mais qui prend cependant quelques libertés avec le genre. Habituellement, les rimes sont embrassées et semblables dans les quatrains -abba et abba- et trois rimes nouvelles dans les tercets s'organisent dans le modèle utilisé par Marot et systématisé par Ronsard -soit ccd et ede, soit ccd et eed-. Tandis qu'ici on a abba - abba - cdd - cee.
[...] Un Idéal ambigu À travers les sculpteurs damnés et marqués d'un affront (vers Baudelaire rend compte des artistes ratés, ceux qui n'ont pas réussi à exprimer leur Idéal, la Beauté qu'ils avaient en tête. Pour eux, la Mort (vers 13) apparaît paradoxalement salutaire, se révélant en définitive seule capable de répondre à leurs attentes et combler ainsi leurs aspirations. D'ailleurs, une métaphore solaire sous forme d'assertion l'impose et l'assimile de façon valorisante à un soleil nouveau (vers 13) qui permettra aux fleurs de leur cerveau de s'épanouir (vers 14). [...]
[...] - un artiste prisonnier L'artiste ne peut cependant pas abandonner sa condition. Aux interrogations angoissées du premier quatrain répondent les affirmations collectives des artistes, comme le souligne le passage du mes (vers aux marques de la première personne du pluriel nous et notre (vers et qui indiquent la poursuite de leur quête. D'ailleurs, les futurs de l'indicatif Nous userons (vers et nous démolirons (vers valident cette interprétation. Malgré cette volonté sans faille de ne pas abandonner, les artistes sont prisonniers de l'infernal désir (vers de la grande Créature (vers c'est-à-dire la Beauté, l'Idéal. [...]
[...] Cet Idéal est d'autant plus ambigu que l'exemple des sculpteurs (vers 10) n'est pas innocent. Ne sont-ils pas ceux qui taillent la pierre des stèles funéraires et les fleurs (vers 14) ne sont-elles alors pas les ornements qui consacrent ces monuments ? Cependant, la valeur métaphorique de ces fleurs les associe aux réalisations artistiques, aux visions de beauté que l'art produit. N'est-il dès lors pas envisageable que le travail de ces artistes ne puisse devoir se réaliser que dans la mort, eux qui ont renoncé à tailler la pierre pour se marteler eux-mêmes la poitrine et le front (vers 11) ? [...]
[...] Le parallèle avec les artistes est ainsi suggéré au lecteur : la simple malchance peut réduire à néant les efforts de l'artiste. [Rappelons que ce poème appartient à l'édition de 1861, qui a donc vu Baudelaire condamné lors du procès d'août 1857 suite à la première Édition ; recueil, dont on connaît maintenant le succès planétaire, qui avait alors eu la malchance de se heurter à la morale rigide de l'époque et à des journalistes particulièrement obtus qui avaient amplifié le phénomène.] Il semble d'ailleurs que ce soit également le cas des sculpteurs damnés (vers 10) du premier tercet. [...]
[...] Une condition sombre Cette morosité, ce pessimisme de la condition des artistes introduit tout naturellement une forte tonalité pathétique dans le poème grâce à : - une incertitude douloureuse Tout d'abord, la ponctuation du poème est fortement expressive, soulignant à merveille l'émotion, avec des points qui sont exclusivement des points d'interrogation (vers 2 et et d'exclamation (vers et 14). Ensuite, l'anaphore de l'adverbe Combien (vers 1 et confortée par le ô vocatif (vers traduit une condition douloureuse proche de l'insupportable. Enfin, le pronom possessif mes (vers marque la parole du poète pour insister dès les premiers vers sur la répétition inlassable, voire vaine, du travail (secouer mes grelots, vers et lancer ses javelots, vers sans certitude de succès. De plus, la rime riche grelots / javelots souligne le parallélisme de ses deux actions. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture