Les Fleurs du Mal, À une Mendiante rousse, (CXI), Charles Baudelaire, recueil poétique, poèmes, morale religieuse, jeunesse, éloge, beauté, pauvreté
Les premières phrases d'un des projets de préface pour Les Fleurs du Mal résument toute l'incompréhension qui entoura la sortie du recueil des Fleurs du Mal : « S'il y a quelque gloire à n'être pas compris, ou à ne l'être que très peu, je peux dire sans vanterie que, par ce petit livre, je l'ai acquise et méritée d'un seul coup. » La vie de Charles Baudelaire (1821-1867) fut jalonnée d'attaques sur son œuvre et sa personne. La première édition des Fleurs du Mal fut publiée à Paris le 21 juin 1857 et donna lieu deux mois plus tard à un procès pour « outrage à la morale religieuse » ainsi qu'à « la morale publique et aux bonnes mœurs ».
[...] On se souvient du mythe des Danaïdes remontant à la mythologie grecque ou de celui de Seth, diable roux de la mythologie égyptienne. La chevelure rousse était tellement mal vue qu'en 1254, une ordonnance du roi Saint- Louis fait obligation aux prostituées de se teindre les cheveux en roux, pour bien se distinguer des femmes respectables de la société de l'époque. Par ailleurs, la religion catholique a grandement contribué à altérer une image déjà bien ternie par maints us et mœurs, notamment avec Marie-Madeleine, premier et unique témoin de la Résurrection de Jésus, mais aussi chargée d'annoncer aux apôtres cette résurrection par le Christ lui- même. [...]
[...] La poésie de Baudelaire est à l'image de cette mendiante : imparfaite, étrange et belle à la fois. C'est dans ce paradoxe que l'on peut appréhender la modernité du poète, modernité qui s'affirme donc dès ces années de formation. Par exemple, lorsqu'il préfère les sabots (vers 12) aux cothurnes (vers si l'on pense aux connotations, cela revient à dire qu'il préfère la lourdeur au raffinement. Cela peut paraître contradictoire avec les contraintes formelles de la poésie de Théophile Gautier, étant donné la dédicace des Fleurs du Mal, mais c'est là toute l'ambiguïté de l'auteur. [...]
[...] Un éloge paradoxal Baudelaire chante ici la beauté (vers 4 et 56) d'une mendiante, tout en soulignant paradoxalement son dénuement et sa pauvreté (vers 3). Un petit aparté nous permettra d'effectuer un rappel, même s'il éloigne quelque peu de l'étude du poème. Alors qu'au XIXe siècle, l'opinion était en train d'évoluer sur la femme rousse, celle-ci tirait alors ses origines de toutes sortes de mythes. Coupable du péché originel et réduite à la représentation de tentatrice dénuée d'âme, la créature du diable belle ou laide, a depuis l'Antiquité, cristallisé tous les anathèmes. [...]
[...] De plus, l'entame du poème conforte cette beauté avec une notion qui n'est plus tellement d'actualité : Blanche fille aux cheveux roux. Cette idée de blancheur de la femme symbolisant la pureté de l'âme et la beauté est un topo présent en littérature depuis l'Antiquité et, pendant le XIXe siècle, son usage était plus répandu que jamais ; - et de celui de la pauvreté : trous (vers pauvreté (vers sabots (vers haillon trop court (vers troués (vers mal attachés (vers gueusant (vers débris (vers 46) et maigre (vers 55). [...]
[...] Ces deux poèmes témoignent du rôle primordial des femmes dans la vie du poète, s'insérant parmi les nombreuses pièces qui reflètent les différentes relations vécues avec des femmes et soulignent son goût si particulier pour le beau et le bizarre. Ils montrent également comment Baudelaire incarne et puise sa poésie dans un siècle, qui en pleine révolution industrielle tourne le dos à un idéal romantique, qui avait entouré la femme d'une aura divine, d'une courtoisie, pour s'acheminer par le regard destructeur de la masse vers une beauté désidéalisée C'est bien dans l'œuvre de Baudelaire que surgit le nouveau statut des femmes des grandes villes, soumises à une certaine uniformisation des sexes due au travail et à l'urbanisation. [...]
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