Les Fleurs du Mal, Le Masque, poème XX, Charles Baudelaire, recueil poétique, Hymne à la beauté, Ernest Christophe
Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour « outrage à la morale religieuse » ainsi qu'à « la morale publique et aux bonnes mœurs ». Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19ème siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). Le 6 novembre, il écrivit à l'impératrice pour tenter d'atténuer le jugement, suite à quoi, son amende est réduite à 50 francs par le garde des Sceaux. Cette œuvre majeure fut lentement mûrie par Baudelaire qui, dès 1840, parle de ses « Fleurs singulières ».
[...] Une vision d'horreur (vers 20 à 36) Alors qu'il est sous l'effet du charme excitant (vers 15) de la statuette et invite le lecteur à tourner autour d'elle (Approchons, et tournons autour de sa beauté, vers la représentation gracieuse de la beauté classique du début s'écroule et une horrible vision se dévoile à lui, dévoilant un monstre bicéphale (vers 19). En effet, le visage contemplé jusqu'alors n'est en fait qu'un masque, un décor suborneur (vers 20) posé devant le vrai visage. [...]
[...] Il est suivi d'un autre nouveau poème, Hymne à la Beauté. Ces deux poèmes prennent les places XX et XXI de la section Spleen et Idéal, remplaçant Les Bijoux, l'une des pièces condamnées. Utilisant la métrie majestueuse de l'alexandrin, ce poème est une description précise et détaillée d'une statuette que le poète a vue dans l'atelier du sculpteur Ernest Christophe, d'ailleurs dédicataire du poème, et intitulée La Comédie Humaine Ce poème s'inscrit dans une séquence que l'on pourrait nommer le chapitre Beauté dont le poème La Beauté (XVII) serait une prosopopée, le poème L'Idéal (XVIII) rejette les beautés de vignettes au profit de représentations plus sombres et douloureuses de la beauté, le poème La Géante (XIX) est une forme supplémentaire de beauté, immense, mais protectrice et généreuse, et enfin les poèmes XX et XXI qui clôturent le cycle sur un déchirement de la notion, lieu d'aspirations contradictoires que le poète veut dépasser pour accéder à un infini qu'[il] aime et n'[a] jamais connu Grâce à une description paradoxale, à la fois extatique et horrible, Baudelaire donne à cette statuette une valeur morale. [...]
[...] Une vision d'horreur succède alors à l'extase. Ce qui blesse d'abord le regard, c'est la difformité de la femme représentée par la statue : c'est un monstre bicéphale, l'adjectif suggérant avant tout une difformité corporelle, une vraie monstruosité touchant le corps de la femme. Dès lors, le champ lexical dépréciateur de l'expressivité est omniprésent : suborneur (vers l'oxymore exquise grimace (vers crispée atrocement (vers Renversée (vers ment (vers pleurs (vers soucieux (vers mensonge (vers 27) . Baudelaire va alors utiliser magistralement cette anamorphose, ce paradoxe de la vision de la statuette afin de livrer ses intentions. [...]
[...] Les Fleurs du Mal, Le Masque - Charles Baudelaire Statue allégorique dans le goûtde la renaissance À Ernest Christophe,statuaire. Contemplons ce trésor de grâces florentines ; Dans l'ondulation de ce corps musculeux L'Élégance et la Force abondent, sœurs divines. Cette femme, morceau vraiment miraculeux Divinement robuste, adorablement mince, Est faite pour trôner sur des lits somptueux, Et charmer les loisirs d'un pontife ou d'un prince. -Aussi, vois ce souris fin et voluptueux Où la fatuité promène son extase ; 10 Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ; Ce visage mignard, tout encadré de gaze, Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur : La Volupté m'appelle et l'Amour me couronne À cet être doué de tant de majesté 15 Vois quel charme excitant la gentillesse donne Approchons, et tournons autour de sa beauté. [...]
[...] En effet, Le Masque permet l'avènement de la femme comme lieu de cette quête sensible. Avant ce poème, les figures féminines évoquées étaient toujours des figures intermédiaires mythiques, divines ou monstrueuses : le rêve de pierre Lady Macbeth, une Géante ou encore la Muse (une malade et une prostituée, vénale Après Hymne à la Beauté, ce sera la femme aimée. Elle sera désormais l'interlocutrice principale du poète. L'ajout de Le Masque et de Hymne à la Beauté en 1861 apparaît bien comme une correction de la trajectoire du recueil. [...]
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