"Les Bijoux" était initialement inclus dans la section Fleurs du Mal qui complète, avec "Tableaux parisiens" et "Le vin", le triptyque des tentatives de réponse au spleen évoqué dans la forme d'exposition du recueil que constitue la première section, "Spleen et idéal". Composé en 1842 et publié en 1857 dans la première édition du recueil, ce poème au lyrisme brûlant et provocant peut être interprété selon d'autres voies que celle à laquelle son érotisme marqué nous convie. Rappelant le goût de l'auteur pour le « Beau bizarre », il peut en effet être lu comme une « méditation poétique ».
I- Un érotisme scandaleux
À l'instar d'autres poèmes du recueil, comme "La Chevelure" (XXIII), le corps de la femme sert ici aussi de prétexte à l'évasion. Mais les détails physiques et posturaux érotiques de la description ainsi que la référence religieuse provocatrice expliquent le retrait de l'« épave » de l'édition originale.
a- Une danse marquée par l'érotisme
Dans un poème provoquant sciemment le lecteur par des références érotiques témoignant du pouvoir de la femme, Baudelaire semble dépeindre la danse de séduction de l'esclave noire pour son maître, même s'il inverse les rôles dominant / dominé et les met en évidence par l'enjambement vers 3-4 : l'air vainqueur / Qu'ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures. Il rejoint là le thème de la danse orientale envoûtante alliant la nudité et des bijoux qui rehaussent la beauté féminine (la danse de Salomé dans Hérodias, Flaubert) (...)
[...] C'est une relation dominant / dominé qui apparaît également dans d'autres poèmes de l'auteur, notamment Hymne à la beauté (XXI) qui reprend d'ailleurs bien des thèmes de ce poème (danse, ventre, bijoux, ambivalence ) - la poésie au-delà de la morale : la candeur unie à la lubricité (vers 15). Dans cette ambivalence que Baudelaire revendique, la femme est une image de la création poétique. D'ailleurs l'ambre (vers non la résine fossile de couleur jaune pâle utilisée pour la fabrication d'objets ornementaux (ambre jaune), semble être ici un parfum aphrodisiaque en même temps que mystique (ambre grise, concrétion intestinale du cachalot). [...]
[...] Véritable métaphore de l'amour divin pour l'âme humaine, Baudelaire y a sans doute suggéré un glissement vers le sens mystique, vers la femme-beauté, métaphore de la poésie avec une image ambivalente, attirante et repoussante. Rappelant notamment le portrait ambigu de sa maîtresse que Baudelaire fait dans Le Serpent qui danse (XXVI), c'est le triomphe de la femme lascive, tout en courbes, qui renvoie au cycle des poèmes consacrés à celle qu'il surnommait sa Vénus noire Jeanne Duval (XXII à XXXIX), qui lie la femme, sensuelle et tentatrice, à la fois à la Vierge et à la vision apocalyptique du péché. [...]
[...] La danse de séduction est exécutée pour faire sortir le poète de sa contemplation solitaire : S'avançaient plus câlins que les anges du mal (vers 21) suggérant alors l'inspiration satanique du poète. III- Un constat d'échec Le dernier quatrain du poème va permettre à Baudelaire de témoigner la douloureuse impuissance créatrice du poète : la Beauté a souvent la froideur du marbre (Polis comme de l'huile, vers 18). Et la lampe s'étant résignée à mourir, Comme le foyer seul illuminait la chambre , Chaque fois qu'il poussait un flamboyant soupir, Il inondait de sang cette peau couleur d'ambre ! [...]
[...] En effet, il considère la nature comme laide, par définition et la beauté comme artificielle. Les Bijoux était initialement inclus dans la section Fleurs du Mal qui complète, avec Tableaux parisiens et Le vin, le triptyque des tentatives de réponse au spleen évoqué dans la forme d'exposition du recueil que constitue la première section, Spleen et idéal. Composé en 1842 et publié en 1857 dans la première édition du recueil, ce poème au lyrisme brûlant et provocant peut être interprété selon d'autres voies que celle à laquelle son érotisme marqué nous convie. [...]
[...] Baudelaire y introduit la modernité par son goût de la provocation, mais surtout grâce à un réseau implicite de significations qui se renvoient les unes aux autres dans un jeu subtil et symbolique sur l'expérience poétique. Derrière les apparences existe une unité profonde et ténébreuse que le poète tente de révéler par des équivalences. Images, métaphores, allusions, rythmes et sonorités tendent à immortaliser le moment fugace. Pourtant, c'est finalement de la douloureuse impuissance créatrice dont le poète fait l'expérience. Une fois encore, Baudelaire apparaît comme le vaincu du Spleen, de son insupportable finitude humaine. [...]
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