Un homme et une femme que lie une forte attirance réciproque, mais non avouée, se trouvent face à face au détour d'une rue ; n'ayant manifestement pas eu la possibilité de se préparer à cette rencontre, ils subissent un choc. D'abord commotionnés, ils improvisent ensuite un dialogue d'une grande banalité et se séparent sans avoir fait progresser leur relation d'un pas. Ce bref épisode qui met en scène les deux personnages principaux de L'Education sentimentale de Gustave Flaubert est pourtant très riche : en nous plaçant successivement du point de vue de Frédéric, de Madame Arnoux, et de l'auteur, nous tenterons de montrer la complexité de ce face-à-face et l'ironie qui en teinte le compte-rendu.
Justification du plan
Qui regarde ? Présence de l'auteur. Rencontre de deux amoureux inhibés traitée de façon discrètement, mais indéniablement féroce. On pouvait songer, en épousant le développement du texte : 1) Le face à face, 2) Le dialogue, 3) Le commentaire. Nous l'avons écarté pour Frédéric, Mme Arnoux, l'auteur, pour la raison que le commentaire de l'auteur est en réalité présent dans l'ensemble du texte (termes choisis pour la description de Mme Arnoux, fabrication du dialogue).
I. Frédéric
Il est certain que le point de vue de Frédéric est privilégié dans ce court récit : c'est à travers les yeux de ce personnage, en effet, que nous est présentée Madame Arnoux dont le portrait est coloré par les émotions d'un homme surpris et dont le "premier mouvement fut de reculer".
A. Une apparition
C'est ainsi que la femme aimée se présente devant Frédéric comme une apparition : "Madame Arnoux se montra devant lui, face à face" ; l'emploi du verbe "se montrer" fait songer à l'épiphanie d'une divinité, ou pour le moins, au surgissement d'un personnage craint et vénéré. Un effet de lumière renforce cette impression (...)
[...] Justification du plan Qui regarde ? Présence de l'auteur. Rencontre de deux amoureux inhibés traitée de façon discrètement, mais indéniablement féroce. On pouvait songer, en épousant le développement du texte : Le face à face, Le dialogue, Le commentaire. Nous l'avons écarté pour Frédéric, Mme Arnoux, l'auteur, pour la raison que le commentaire de l'auteur est en réalité présent dans l'ensemble du texte (termes choisis pour la description de Mme Arnoux, fabrication du dialogue). I. Frédéric Il est certain que le point de vue de Frédéric est privilégié dans ce court récit : c'est à travers les yeux de ce personnage, en effet, que nous est présentée Madame Arnoux dont le portrait est coloré par les émotions d'un homme surpris et dont le premier mouvement fut de reculer A. [...]
[...] Le discours direct Enfin, Gustave Flaubert s'est abstenu de transcrire le dialogue de ses deux personnages en style indirect : objectivité oblige ! Il semble ainsi s'effacer devant la vérité et se borner à nous présenter un document. Mais nous savons qu'il est l'auteur de cet échange à la platitude retentissante dont il souligne cruellement la pauvreté en nous le servant entre guillemets : ce sont des faits, suggère-t-il, je n'invente rien Conclusion : richesse psychologique ; cruauté Ainsi, cette brève rencontre qui met en présence deux êtres amoureux en état d'inhibition, sous des dehors banals, est extrêmement riche de notations psychologiques : nous contemplons à travers les yeux d'un homme passionné et surpris la personne aimée ; la minceur de leurs propos révèle la force de la passion qui les anime et les paralyse ; et, sur cette rencontre, nous portons avec Gustave Flaubert dont l'objectivité prétendue est d'une ironie un peu cruelle, un regard navré, amusé, et attendri. [...]
[...] Platitudes Ces balbutiements d'un homme troublé, qui n'a rien pu préparer, témoignent du manque d'esprit des vrais amoureux qui ne sont jamais aussi piètres que lorsque précisément ils devraient briller ; qu'elles soient d'ordre sanitaire ou météorologique les questions posées en urgence sont d'une effrayante platitude : elles illustrent bien la fonction phatique du langage où les mots ont pour seul rôle d'éliminer le silence. Stratégie Il n'empêche que ce dialogue en dit plus qu'il ne paraît ; on ne peut en effet ignorer la teneur des deux premières questions : Comment se porte Arnoux ? Et vos enfants ? La banalité se complique ici de subtilité, car Frédéric, amoureux de Madame Arnoux, l'interroge d'abord sur la santé de son mari comme s'il voulait à la fois s'immiscer dans son intimité, Arnoux et non M. [...]
[...] Bilan Délaissons maintenant ces deux personnages pour nous tourner vers l'auteur. Bien que, en effet, conformément à ses principes littéraires, il n'intervienne pas directement dans le passage, Gustave Flaubert est bien présent. Sa présence est surtout manifeste à la fin du texte lorsqu'il affecte de tirer froidement un bilan de la rencontre : pas de main tendue, pas de mot affectueux, pas d'invitation. Cela se passe de commentaires ; Flaubert n'en fait pas, mais se contente d'opposer à l'apparente nullité de la rencontre, l'enthousiasme de Frédéric : Il n'eût point donné cette rencontre pour la plus belle des aventure Le lecteur complètera de lui- même. [...]
[...] Passivité En ce qui concerne Madame Arnoux, les indications sont beaucoup moins nombreuses et il est évident qu'elle joue dans cette scène un rôle plus passif. Elle se laisse contempler, abandonne à Frédéric la tâche de rompre le silence, et, sans jamais relancer la conversation, se borne à répondre brièvement jusqu'au monosyllabe. C'est elle d'ailleurs qui rompt l'entretien par un bref adieu B. Chaleur Mais une émotion perce à travers ses pauvres réponses : son attitude peu coopérative révèle, en elle-même, un trouble qu'elle domine mal ; on peut même sentir à certains détails qu'elle essaie tant bien que mal de repêcher la conversation et de mettre dans ses répliques, au niveau du ton, une chaleur absente dans le contenu objectif de l'échange ; c'est ainsi qu'on peut expliquer la présence des trois points d'exclamation Je vous remercie ! [...]
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