En finir avec Eddy Bellegueule, Édouard Louis, stéréotypes de genres, enfance, identité, homophobie, norme sociale, virilité, roman autobiographique, témoignage, sociologie, identité de genre
Savoir qui il est, chercher son identité, semble un des objectifs de tout homme. Mais lorsque le terme « homme » n'est pas compris comme synonyme d' « humain », mais comme « être de sexe masculin qui témoignerait d'une certaine virilité », la question demeure épineuse. C'est tout l'objet du roman autobiographique d'Édouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule, paru en 2014.
Dans le chapitre intitulé « Les Manières », l'auteur fait référence à une expression que nous qualifions aujourd'hui d'homophobe : « être maniéré » signifie « faire des manières comme si l'on était une fille », ce qui peut se conclure par « être un homme dénaturé, être un homosexuel », avec ce que cela peut impliquer de connotations péjoratives chez certains esprits étriqués. Édouard Louis livre ici une perception qu'il a eue de lui-même, lors de son enfance, à travers le regard de ses parents. Dès lors, c'est sous le prisme de l'incompréhension parentale que l'enfant a grandi.
[...] A travers l'exemple que le narrateur donne des sports, le lecteur comprend que la famille de l'enfant est soumise à des stéréotypes qu'elle ne remet absolument pas en question. Pour cette famille, les sports sont genrés : le « foot » pour les garçons, pour « le père, les cousins et les frères » l. 20-21, et la danse pour les filles, pour la « sœur » l Il y a aussi comme une habitude familiale : « comme lui dans sa jeunesse » l L'autre stéréotype inhérent est que le foot fait grandir un garçon pour devenir un homme fort (« Mon père pensait que le football m'endurcirait » l. [...]
[...] Edouard Louis retranscrit le réel, tel qu'il est, tel qu'il l'a vu, tel qu'il l'a entendu : il ne le distord pas mais l'applique. Il en va de même pour l'emploi de ces mots vulgaires ou encore de sa syntaxe dépouillée, peu travaillée (les phrases sont longues, voire cumulatives). Les images sont peu nombreuses ou alors les procédés d'écriture sont tout de suite saisissables. C'est alors cette simplicité transposée, ce réel retranscrit sans fioriture qui fait de la prose d'Edouard Louis un exemple de littérature contemporaine percutante. Et c'est dans cette écriture que l'enfant devenu adulte a trouvé son identité. [...]
[...] Dans cet extrait, le narrateur se présente tout d'abord à travers le regard que ses parents ont porté sur lui, lorsqu'il était enfant. Il se présente alors comme un enfant « hors-norme », non pas au sens mélioratif d'être exceptionnel, mais d'enfant qui sort du cadre, qui n'est pas dans la norme, voire qui est anormal. Les parents de l'auteur sont dépeints par le biais de différents sentiments : celui de l'échec, celui du fatalisme et enfin, celui du dégoût. [...]
[...] Eddy Bellegueule est devenu Edouard Louis, l'écrivain. Il est passé de ce Petit Poucet de Charles Perrault (« J'ai cru d'autres jours que mes parents me conduiraient sur le bord d'une route ou au fond d'un bois pour m'y laisser, seul » l. 8-10) à cet auteur qui a délaissé son nom de famille (et le terme de famille prend ici toute son importance) pour se créer un patronyme, son patronyme, celui d'un homme érudit qui revendique son identité. Son identité est celle d'un homme, qui se croyait en-dehors des normes, mais qui grâce à ses études, notamment en sociologie, a compris que la norme n'existait pas. [...]
[...] Au contraire, ce fatalisme est lié à un renoncement : « très tôt elle a baissé les bras » l La mère d'Eddy n'en est plus une car elle fait ressentir à son fils qu'elle le rejette : « J'ai souvent cru qu'un jour elle partirait en laissant simplement un mot sur la table dans lequel elle aurait expliqué qu'elle ne pouvait plus, qu'elle n'avait pas demandé ça, un fils comme moi » l. 5-7. L'adverbe « souvent » l met en avant la fréquence de ces pensées. De plus, l'enfant pense même à l'époque que les parents ont le « droit » d'abandonner leurs enfants (« droit à l'abandon » l. sans toutefois y recourir « je savais qu'ils ne le feraient pas, ça n'était pas possible, ils n'iraient pas jusque-là ; mais j'y pensais » l. 10-11. [...]
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