Les quatre dernières pages de "Fin de partie" sont d'une grande importance dans l'économie générale de l'œuvre : elles représentent une sorte de résumé de toutes les caractéristiques majeures de l'écriture de Beckett, tout en constituant une reprise de certains thèmes déjà abordés par les actants. On observe également dans ce court passage un autre genre de reprise : celle de quelques-uns des gestes emblématiques que Hamm a pu faire ou même répéter au cours de la pièce. Il est une phrase que Beckett aurait peut-être pu faire sienne lorsqu'il a composé ces pages : celle que Alain Robbe-Grillet a placé en tête de l'incipit de son roman intitulé "La Reprise" : "Ici, donc, je reprends, et je résume."
[...] (Page 109), Tu réclamais le soir ; il descend : le voici. (Page 109. Il est bien entendu possible de lire dans cette phrase une métaphore de la mort), et ainsi de suite. Bien des termes, à l'intérieur de ces phrases, appartiennent au champ lexical de la fin ou bien sont des formes conjuguées du verbe finir On observe également dans notre passage une rupture dans l'attitude de certains actants, et qui tranche de manière très nette avec le comportement qui a été le leur aussi bien au début qu'au milieu de la pièce. [...]
[...] Fin de partie, Samuel Beckett : dernières pages Texte pp 107-110, de Clov ! (Clov s'arrête sans se retourner. Un temps.) à Il rapproche le mouchoir de son visage. (Toutes les citations reproduites dans ce commentaire sont extraites de l'édition de la pièce publiée en 2009 aux Editions de Minuit.) Les quatre dernières pages de Fin de partie sont d'une grande importance dans l'économie générale de l'œuvre : elles représentent une sorte de résumé de toutes les caractéristiques majeures de l'écriture de Beckett (dépouillement extrême de la langue, concision des répliques, recours constant au registre familier voire vulgaire revendication de l'incohérence, refus qu'un mot ou une phrase ne possèdent qu'un seul sens et qu'une signification unique, claire et définitive s'en dégage), tout en constituant une reprise de certains thèmes déjà abordés par les actants (désir de Clov visant à quitter Hamm définitivement, fiction improvisée par Hamm et rappelant peut-être que Clov a été adopté par lui dans sa jeunesse, idées suicidaires de Hamm On observe également dans ce court passage un autre genre de reprise : celle de quelques-uns des gestes emblématiques que Hamm a pu faire ou même répéter au cours de la pièce (manier son mouchoir taché de sang, par exemple). [...]
[...] La radicalisation de l'écriture de Beckett que l'on peut observer dans notre texte passe également par la fragmentation et la réduction accrues des espaces dévoués au langage oral des actants. Dans les dernières pages de Fin de partie, ces espaces d'expression se réduisent en effet de plus en plus, laissant la place à des silences et à des pantomimes. Contrairement à ce qui était le cas au début et au milieu de la pièce, le langage se réduit même parfois à de simples mots isolés entre des temps : Bon. (Un temps.) Père ! (Un temps. Plus fort.) Père ! (Un temps.) Bon. (Un temps.) On arrive. [...]
[...] (Clov s'arrête.) Une dernière grââce. (Clov sort.) (pp 107-108), ou encore : Clov ! (Un temps long.) Bon. (Page 110). Le fait même que Clov change de costume (et de manière plutôt saisissante) à la fin de notre passage suggère l'idée d'une rupture, et donc d'un achèvement : Pendant ce temps entre Clov. Panama, veston de tweed, imperméable sur le bras, parapluie, valise. Près de la porte, impassible (page 108.) Clov est également sur le point de passer la porte devant laquelle il se tient debout, et donc de sortir de l'espace scénique posture suggérant une fin, un achèvement. [...]
[...] Vieux linge ! page 14). A la fin de sa dernière tirade, aussi bien le geste en lui-même que la parole qui l'accompagne sont les mêmes : (Il tient à bout de bras le mouchoir ouvert devant lui.) Vieux linge ! (Page 110). La reprise à l'identique, en cette fin de pièce, de ce geste et de cette parole peut donc suggérer que, au lieu de finir, Fin de partie recommence en fait, éternel retour du même D'autres indices renforcent cette idée : le fait que Hamm soit occupé à triturer son mouchoir, comme au début de la pièce Il sort son mouchoir et, sans le déplier, essuye ses lunettes. [...]
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