À bien des égards, Fin de partie se présente au lecteur ou au spectateur de cette pièce comme une réécriture de certains motifs de L'Odyssée d'Homère. Une telle parenté entre les deux œuvres peut déjà être détectée dans les quarante premières pages de l'œuvre de Beckett : parce qu'il est aveugle et qu'il demeure enfermé dans un lieu clos qui baigne dans une lumière grisâtre (ce lieu étant de plus entouré à l'extérieur par un paysage de nature aride, bordé par l'océan et déserté par le soleil), le personnage de Hamm fait dès lors irrésistiblement penser au devin Tirésias de Thèbes tel qu'il apparaît dans le chant XI de L'Odyssée : un spectre aveugle prisonnier du Royaume des Morts (ou Pays des Cimmériens), une terre étrange, semi-désertique et bordée par la mer, tout en étant très obscure, puisque le soleil n'y brille jamais.
(Le texte commenté dans ce document est extrait des pp 50-52, de « Allons-nous-en tous les deux, vers le sud ! » à « Qu'importe la posture ! », Éditions de Minuit, 2009.)
[...] Sur la mer ! Tu nous feras un radeau. Les courants nous emporteront, loin, vers d'autres mammifères ! CLOV. Parle pas de malheur. HAMM. Seul, je m'embarquerai seul ! [...]
[...] ( ) Je ne peux pas m'asseoir. p 52) pour qu'une grande partie des prédictions de Hamm s'effondrent comme un château de cartes et que le discrédit tombe sur l'ensemble de son discours. Quant à la réponse de Hamm à Clov, elle se distingue autant par son comique que par le fait que Hamm s'enfonce dans le charlatanisme : Eh bien, tu te coucheras, tu parles d'une affaire. 52) Puisqu'en effet Hamm remplace sa précédente prédiction (la fausse) par une autre prédiction formulée elle aussi au futur, le fait que la première prédiction partage le même mode temporel que la nouvelle jette immédiatement le discrédit sur cette dernière, le lecteur ou le spectateur étant sûrs qu'elle n'a que très peu de chances de se réaliser En définitive, pour ce qui est de sa propension à vouloir anticiper l'avenir, Hamm est exactement à l'image de deux détails de sa condition physique : c'est un aveugle, doublé d'un invalide. [...]
[...] Puis tu te diras, J'ai faim, je vais me lever et me faire à manger. Mais tu ne te lèveras pas. Tu te diras, J'ai eu tort de m'asseoir, mais puisque je me suis assis je vais rester assis encore un peu, puis je me lèverai et je me ferai à manger. Mais tu ne te lèveras pas et tu ne te feras pas à manger. (Un temps.) Tu regarderas le mur un peu, puis tu te diras, Je vais fermer les yeux, peut-être dormir un peu, après ça ira mieux, et tu les fermeras. [...]
[...] (Un temps.) L'infini du vide sera autour de toi, tous les morts de tous les temps ressuscités ne le combleraient pas, tu y seras comme un petit gravier au milieu de la steppe. (pp 51-52) Cette tirade est structurée de la même manière que la prophétie que Tirésias adresse à Ulysse dans le chant XI de L'Odyssée : d'un point de vue verbal le futur de l'indicatif (proliférant) lui sert de colonne vertébrale, et les faits qu'elle énumère forment ensemble une suite progressive structurée par des adverbes ou des conjonctions de coordination Et tu iras t'asseoir Puis tu te diras Et quand tu les ouvriras En outre, Hamm affirme connaître les pensées à venir de Clov Tu te diras tout comme Tirésias connaît les pensées des dieux de l'Olympe. [...]
[...] CLOV. Mal. HAMM. Mais tu vois ? CLOV. Suffisamment. HAMM. [...]
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