Avant de concevoir Nagg et Nell, deux actants qui dans ''Fin de partie'' sont affligés du handicap le plus lourd (ils ont perdu leurs jambes lors d'un accident de tandem et demeurent immobilisés à l'intérieur de deux poubelles), Beckett avait déjà décrit un personnage à peu près similaire : dans ''L'Innommable'' (roman écrit en 1949 et publié en 1953), l'écrivain avait en effet représenté un personnage dépourvu de jambes et de bras qui passait tout son temps à l'intérieur d'une jarre posée au coin d'une rue.
[...] (Un temps.) Tu peux le croire ? NAGG. Quoi ? NELL. Que nous nous sommes promenés sur le lac de Côme. (Un temps.) Une après-midi d'avril. (pp 33-34) Ces deux répliques de Nell sont intéressantes : elle s'y exprime au passé indéfini Nous nous sommes promenés sur le lac et emploie par deux fois un article indéfini Une après-midi d'avril ce qui a tendance à signer l'incertitude dans laquelle la plongent certains de ses souvenirs. En fait, de même que le corps de Nell a été l'objet d'une amputation (ses deux jambes), sa mémoire paraît aussi avoir été amputée, tout un pan de ses souvenirs semblant avoir disparu, en même temps qu'un autre paraît s'évanouir peu à peu. [...]
[...] Beckett suggère ces deux interprétations dans le Ah hier ! de Nell, répété par deux fois dans notre passage (pages 28 et et qualifié à chaque fois de élégiaque par le dramaturge dans le cadre d'une didascalie (terme explicite quant à la souffrance que Nell éprouve lorsqu'on lui rappelle certains détails du passé). En plus d'éprouver de la douleur à cause de sa mémoire défaillante et de l'écoulement irréversible du temps, Nell (contrairement à Nagg) semble aussi souffrir de dépression. [...]
[...] NAGG. Alors, rentre. (Nell ne bouge pas.) Pourquoi ne rentres-tu pas ? NELL. Je ne sais pas. 29). On retrouve un peu plus loin cette difficulté éprouvée par Nell à faire suivre une idée de son exécution par des gestes : NELL. ( ) Alors, je vais te laisser. NAGG. Tu ne veux pas ton biscuit ? (Un temps.) Je te le garde. (Un temps.) Je croyais que tu allais me laisser. NELL. Je vais te laisser. 32). [...]
[...] "fin de partie" samuel beckett: les portraits de nagg et nell Texte pp 27-34 : de Nagg frappe sur le couvercle de l'autre poubelle à Si blanc. Si net. (Toutes les citations reproduites dans ce commentaire sont tirées de l'édition de la pièce publiée en 2009 aux Editions de Minuit.) Avant de concevoir Nagg et Nell, deux actants qui dans Fin de partie sont affligés du handicap le plus lourd (ils ont perdu leurs jambes lors d'un accident de tandem et demeurent immobilisés à l'intérieur de deux poubelles), Beckett avait déjà décrit un personnage à peu près similaire : dans L'Innommable (roman écrit en 1949 et publié en 1953), l'écrivain avait en effet représenté un personnage dépourvu de jambes et de bras qui passait tout son temps à l'intérieur d'une jarre posée au coin d'une rue. [...]
[...] (page 28) Les différentes manifestations du handicap physique de Nagg et Nell s'accompagnent aussi (et peut-être même surtout) d'un handicap d'ordre mental ce qui n'est le cas par ailleurs ni de Hamm ni de Clov qui, de leur côté, semblent jouir de toutes leurs capacités intellectuelles. Première manifestation de ce handicap mental, la quasi-amnésie dont souffre Nell (Nagg étant lui aussi l'objet de troubles de la mémoire, mais moins profonds que ceux de Nell). On la détecte aussi bien lorsque Nagg évoque face à elle un fragment de leur passé commun dont visiblement elle ne se souvenait plus jusque-là NAGG. On s'était fiancés la veille. NELL. Fiancés ! p que lorsque Nell avoue assez brutalement les lacunes importantes de sa mémoire NAGG. [...]
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