Ce passage d'Angélique se fait la transition exacte entre l'épisode infructueux de la recherche du livre « L'Histoire de l'Abbé de Bucquoy » et l'histoire supposée imbriquée, mais en réalité capitale d'Angélique de Longueval. En quoi ce passage est-il essentiel dans la révélation de nombreuses tribulations intérieures de Nerval ? L'auteur est ici en plein coeur d'un triple cheminement. En apparence à la recherche d'un livre, le narrateur fait à la fois l'expérience géographique de l'errance, de son moi profond d'écrivain, et de l'amour perdu. Cette triple quête est visible aussi bien dans la forme de son récit que dans son fond.
[...] Sans cesse retardé, long, cet instant d'accomplissement semble inaccessible, perdu d'avance. Presque déceptif, ce procédé est nettement visible tout au long du passage. On apprend qu'« aussi bien le narrateur n'aurait pas eu accès aux archives de Paris, étant donné le contexte historique de sa quête : le jour de la Toussaint. Or pour l'instant il n'a fait que d'infimes découvertes, au vu de l'insuffisance de ses notes. La bibliothèque est naturellement fermée Le lecteur aurait presque dû s'y attendre. [...]
[...] Cependant, l'expérience de l'amour vient un jour nuancer cet apparent caractère irrémédiable du manque de la jeune femme. Alors que ce sentiment lui est inconnu, elle ne peut s'empêcher d'être sensible au charme de cette poursuite de la part de l'employé de son père. La fusion de l'auteur et de son héroïne dans la recherche de leur amour perdu Une fusion avérée s'élabore entre Nerval et l'héroïne, qui partagent tous les deux la passion du souvenir, la flamme du passé qu'ils entretiennent, bien que deux siècles les séparent. [...]
[...] Le narrateur, au début du passage, est sans cesse à la recherche d'un objet qu'il ne trouvera pas, auquel il n'aura eu qu'un accès fugace (au marché à Francfort), mais dont le cheminement de la recherche lui aura tout de même permis la découverte d'autres intérêts analogues. Angélique n'aura pas eu le temps de vivre une passion, alors à défaut, elle tente elle aussi de se réfugier dans celles qui pourraient lui faire oublier la première. On assiste alors à deux itinéraires analogues. La quête de l'amour et ses fondements Sur un ton de confidence, appuyé par l'usage du pronom vous Nerval nous livre les secrets du fruit de sa recherche. [...]
[...] Nerval vacille d'un siècle à l'autre sans transition : pour lui le travail de mémoire a la même valeur que la forte et intense exactitude du temps présent. Le sentiment d'existence ne varie pas d'un siècle à l'autre : la même énergie, le même dynamisme, tonus, anime les êtres de tout temps. Peu importe l'esthétique littéraire : il préfère une écriture errante, fragmentée, elliptique, pourvu qu'il fasse revivre en lui et surgir dans son œuvre les fantômes de ses morts. [...]
[...] Celui-ci chemine en effet, par le hasard de ses pas et la spontanéité de sa pensée : Je suis arrivé hier au soir à Compiègne, poursuivant les Bucquoy sous toutes les formes s'exclame-t-il. La poursuite par tous les moyens, à tout prix, dont il fait l'objet est donc prétextée par le livre en question. Ce qui attire l'attention, ce n'est plus seulement le mystère du livre caché qui se dérobe, mais l'importance que prend cette chasse pour le narrateur. D'une simple recherche, il en est à pourchasser l'objet de sa convoitise, expérience qualifiée plus tard de pèlerinage Le parcours de l'écrivain a donc une dimension mystique, sacrée, voire presque religieuse. [...]
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