Fille, Camille Laurens, méthodologie, mots, oeuvre, auteur, littérature, livre, appropriation des mots, signification
La naissance du livre et le début de la vie s'ouvrent sur la même phrase « C'est une fille ». C'est le mot qui fait exister, qui accouche des êtres et du monde. « Tu nais d'un mot comme d'une rose, tu éclos sous la langue ». Le mot précède l'existence, et s'il fait exister en définissant, il tue également ce qui aurait pu être. En définissant l'enfant à peine né comme une fille, le langage tue ce qui est en dehors de la fille : le garçon. L'accouchement des mots se fait dans la violence, il ne suffit pas de les prononcer, de les écrire, de les faire exister passivement, comme des entités distinctes de leur contexte ou de leur auteur. Les mots sortent de nous et ils contiennent en eux une part de nous.
[...] Fille - Camille Laurens (2020) - La méthodologie de dévoilement des mots La naissance du livre et le début de la vie s'ouvrent sur la même phrase « C'est une fille ». C'est le mot qui fait exister, qui accouche des êtres et du monde. « Tu nais d'un mot comme d'une rose, tu éclos sous la langue ». Le mot précède l'existence, et s'il fait exister en définissant, il tue également ce qui aurait pu être. En définissant l'enfant à peine né comme une fille, le langage tue ce qui est en dehors de la fille : le garçon. [...]
[...] Notre point de départ s'appuiera sur la méthodologie de dévoilement des mots de Camille Laurens, la manière dont elle s'approprie le langage, rendant visible sa violence. L'un des intérêts majeurs de l'œuvre se positionne essentiellement sous l'angle de l'appropriation des mots, de la compréhension de toutes leurs significations et utilisations. Nous décomposerons sa méthodologie en trois étapes. Chaque étape est le degré d'une confrontation entre les mots et le monde, et donc l'apprentissage du sens social qu'ils renferment. En effet, les mots dissimulent des rapports de force. [...]
[...] L'enfant dotée d'un sexe féminin n'a que ce mot pour être désignée, « qu'une entrée dans le dictionnaire », écrit-elle, alors que pour celui doté d'un sexe masculin il y en a deux « fils » et « garçon ». Ainsi, le rapport de force déséquilibré entre deux groupes sociaux s'entend aussi dans les silences de la langue. Ce qui ne peut être désigné par un mot n'a donc pas de légitimité dans les représentations. C'est ce manque de légitimité qui est violent. La narratrice illustre cela en s'intéressant aux mots ou expressions genrées et ce qu'elles impliquent comme violence. L'autrice Camille Laurens apporte une attention particulière à l'expression « garçon manqué ». [...]
[...] Après avoir diagnostiqué sa fille comme un « garçon manqué », la narratrice veut à présent en faire une « fille réussie », ce qui voudrait dire une fille féminine. Par cette expression néologique, Camille Laurens déstabilise, les mots ne vont pas de soi. L'habitude nous fait oublier ce que « garçon manqué » signifie, car elle elle provoque une baisse d'attention. Par opposition, « fille réussie » choque. Cette expression paraît absurde alors qu'elle n'est que le reflet dissimulé de « garçon manqué ». [...]
[...] Ce cabinet, c'est l'inconscient tel qu'il est théorisé par Freud dans sa première topique notamment dans L'Interprétation des rêves. Ainsi, le « cabinet noir » de Camille Laurens serait une métaphore de la partie immergée de notre psychisme, un lieu de refoulement. Alors, les mots qui composent le livre sont autant de « Sésame, ouvre-toi » qui approchent la narratrice un peu plus d'elle-même. Les différentes perspectives que nous avons évoquées apparaissent comme autant de clefs de lecture de cette quête identitaire. [...]
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