On connaît Guillaume Apollinaire le plus souvent pour ses fameux poèmes acrostiches à « LOU ». Mais il a écrit d'autres recueils, comme Alcools, publié en 1913 et d'où est extrait ce poème intitulé « Les Femmes ». Il est composé de neuf quatrains et est formé d'alexandrins. A travers ces vers, Apollinaire démontre son talent de poète et sa plume fait « sonner » les morts, leur donne vie et résonance.
Comme le titre l'indique bien, les femmes sont au cœur de ce poème et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'Apollinaire ne néglige pas leur traitement.
Les mots finissent par chanter grâce à l'écriture si belle d'Apollinaire: le chant incarne ce poème, le parcourt et s'en empare.
C'est véritablement une écriture originale et unique qu'Apollinaire nous propose ici, témoignant d'une recherche de nouveauté et essayant d'écrire la vie au mieux.
[...] Ilse est l'anagramme de Lise : il serait étonnant que ce soit fortuit de la part d'Apollinaire. Notons également que tous les prénoms (en ne parlant pas de l'anagramme), hormis Kaethi, commencent par un l On pourrait penser qu'il s'agit là d'une obsession d'Apollinaire qui a dédié aussi ses Poèmes à Lou (un autre recueil). Pour finir sur ces personnages de femmes, ajoutons la grand-mère (v.24). Toutes ces femmes sont présentes un peu partout dans le poème : elles appartiennent, il semble, à la même famille. [...]
[...] Le mélange se trouve aussi dans les registres de langue (vocabulaire, champs sémantiques) : du familier pour les tranches de vie quotidiennes (des termes comme le café, le beurre, les tartines,le saindoux, le lait, le sucre, le poêle, le lapin ) et, à l'opposé de cela, des registres plus soutenus, des termes plus poétiques ossuaires suaires gisaient morfondus la nuit indécise des personnifications Herre Traum et Frau Sorge vers 15). On pourrait penser tous ces mélanges antithétiques et/ou incompatibles, mais ils confèrent de l'unité là où on ne les voyait pas ensemble, une véritable harmonie. Tout s'emboîte bien, est parfaitement complémentaire. Il y a donc des différences de traitement mais qui n'altèrent rien. Le talent d'Apollinaire réside encore bien ailleurs. L'écriture poétique et ses trouvailles s'insinue au détour de vers, de phrases, subrepticement, presque entre les interlignes des lignes, et marque certaines ambiguïtés qui sont voulues. [...]
[...] Ce chant apparaît mélancolique à travers l'expression essaya de chanter (vers 5). Le vent est peut-être métaphoriquement la voix de Dieu, et la Forêt le vecteur de cette voix. Mais ceci n'est qu'une supposition. Enfin, plus que chanter, même le vent faisait danser en rond les sapins (vers 27) : cela semble une danse heureuse. Mais il faut penser à la force de ce vent qui doit être épouvantable pour faire s'agiter ainsi ces arbres. Le chant de la nature ne semble pas tranquille, perturbé. [...]
[...] Toute l'histoire de ce poème semble vraiment pouvoir se raconter à travers les quelques femmes prononcées par ces femmes, de façon décousue certes, mais l'essentiel y est. Les femmes habitent le poème d'Apollinaire, lui donnent vie, et la vie de ce poème s'exprime à travers un chant, ou plutôt des chants (ou même des musiques) symboliques. Retournons encore pour un court laps de temps à ces femmes importantes pour Apollinaire. Leurs conversations semblent des chants, comme une petite musique qui nous trotte dans la tête. [...]
[...] Il est présent tout au long du texte, dans ce qui n'est pas en italique. Pensons d'abord aux animaux : rossignol effraie (v.6). Le rossignol est sans doute, de réputation, l'oiseau qui a le chant le plus magnifique. Notons des verbes de chant : chanter (v.5) et chantait (v.14). Voyons aussi ululant (vers 6 : même s'il est vrai que c'est plus un bruit qu'un chant). Notons enfin voix grave (vers 14) et sonnait Qui sont les acteurs de cette musique ? [...]
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