Femme et chatte inaugure la quatrième section du recueil, Caprices, section dédiée au poète Henry Winter. Autant dans Mon rêve familier (sixième poème de la section Melancholia) Verlaine se cache derrière le personnage de la femme consolatrice pour mieux concentrer le lecteur sur son sort et sa souffrance intérieure, autant dans celui-ci la femme, comparée à une chatte, semble indifférente, n'existant que comme un spectacle qui s'admire. À la femme idéalisée des Romantiques succède l'image d'une créature diabolique, mauvaise et Verlaine joue alors sur les deux registres. Ainsi, alors qu'il est évident que le personnage était fantasmé, « intériorisé » dans Mon rêve familier, ici la femme ne s'intéresse absolument pas au poète, les armes à sa disposition pouvant le blesser sans pour autant le vouloir (...)
[...] En effet, la femme est sujet et domine l'action alors que l'animal peut se comprendre comme complément d'accompagnement ou même de moyen. III- La dénonciation de la femme Sa perversion et sa cruauté Le premier vers du second quatrain (Elle cachait - la scélérate ! donne le ton : la femme est coupable de crimes qu'elle a commis ou qu'elle a seulement l'intention de commettre, Verlaine laissant ainsi entendre la perfidie et le mensonge féminins. Sous l'apparence d'un jeu bien innocent, plein de tendresse et d'amour entre une femme et un chat, il dresse un tableau assez sombre du comportement féminin. [...]
[...] L'image de la femme est diabolique : c'est une intrigante qui complote pour assouvir ses passions. La fin du poème nous éclaire ensuite : dans les boudoirs, pièces intimes des habitations, le diable n'est jamais très loin. Dans l'obscurité, son œil pétille de satisfaction comme celui du chat brille dans la nuit, quatre points de phosphore (vers 14). Conclusion À l'inverse d'Éluard qui encense la femme, muse lumineuse, Verlaine voit les femmes comme des idoles inaccessibles et froides et leur beauté l'a souvent effrayé et séduit. [...]
[...] La cruauté Ce penchant est parfaitement illustré par le deuxième quatrain et le premier tercet. Les deux êtres ont les mêmes armes : Ses meurtriers ongles d'agate (vers de l'une renvoient à sa griffe acérée (vers 10) de l'autre : - les noms ongles et griffes suggèrent l'arme meurtrière et perverse tandis que les adjectifs semblent majorer ce risque potentiel, d'autant que l'antéposition de meurtriers contribue à cette mise en valeur. En outre, l'agate est une pierre réputée pour sa dureté. [...]
[...] Paul Verlaine, Poèmes saturniens, Mon rêve familier. ÉTUDE ANALYTIQUE Introduction Poète français, Paul Verlaine (1844-1896) est avant tout le poète des clairs-obscurs. À côté de quelques très beaux poèmes, son œuvre oscille entre une production animée de bons sentiments (la Bonne Chanson, Sagesse), des recueils aux qualités inégales et une importante veine paillarde (Femmes, Hombres, posthumes). Quand elle lui appartient véritablement, ce qui fait le charme de la poésie de Verlaine, c'est sa musicalité, à la tonalité tendre et nostalgique. [...]
[...] Ces ongles très durs (d'agate, vers deviennent des griffes, artifices meurtriers coupant comme un rasoir (vers 8). On relève ainsi un parallélisme constant, une opposition entre le chat, animal familier qui se laisse caresser par plaisir, et la femme, animal plus gros et sauvage animé d'instincts criminels. La diabolisation de la femme Si Mon rêve familier a permis à Verlaine de fantasmer d'une femme idéale, consolatrice capable de combler le manque existentiel dont il a pris conscience, et d'évoquer un monde idéal qui l'habite mais dont il connaît l'irréalité, il nous a montré également l'immense frustration du poète. [...]
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