Le Faiseur, Balzac, Mercadet, Michonnin, exposition du projet, thème de l'honneur
Nous sommes au début de l'avant-dernier acte, l'acte IV, à la scène 3. Les deux scènes précédentes nous ont fait comprendre que Mercadet prépare un nouveau tour, un faux « retour » de Godeau. Dans la scène 3, il a fait appeler Michonnin-de la Brive. Après un assez long dialogue où les deux personnages soulignent leur parenté d'esprit, la compréhension mutuelle qu'ils ont l'un de l'autre, Mercadet fait entrevoir à Michonnin la raison de sa présence : il lui propose de s'associer, mais dans une démarche risquée. L'extrait commence lorsque Mercadet s'apprête à expliciter sa pensée.
[...] Contrairement à la morale bourgeoise qui cherche à gagner de l'argent sans se l'avouer trop fort par la terre ou les moyens financiers traditionnels, Mercadet veut et clame haut et fort que son but est d'obtenir de l'argent. Il s'oppose en ceci à ceux qui ne cherchent pas et qui dans l'esprit de Mercadet n'arriveront jamais à gagner des sommes équivalentes à celles qu'il veut posséder. La morale de Mercadet se résume à cela : tenter jusqu'au bout, peu importe, les moyens et les difficultés. L'extrait se conclut par un aparté de De la Brive, qui fait écho aux termes et aux situations de la comédie. Mercadet est qualifié de Monsieur (l. [...]
[...] Il rappelle que l'ordre social a changé, les privilèges qui autrefois permettaient aux nobles de se jouer des autorités et des cocus n'existent plus. On ne rosse plus aujourd'hui (l.15) les commissaires de police, situation qui, comme le déguisement fait partie par son comique de geste de l'univers de la comédie (le médecin malgré lui, les Fourberies de Scapin . dont veut se détacher de la Brive. Michonnin considère que cela ne se fait plus, que cela n'est plus possible. [...]
[...] Il enchaîne en effet sur les propos de Mercadet et commence une énumération, que l'on pourrait imaginer longue si Mercadet ne venait pas l'interrompre, d'armes diverses, produisant par là un effet tout à fait comique : Mercadet parlait d'adresse au sens de ruse financière, de la Brive comprend l'adresse comme l'habilité aux armes. Mais Mercadet le coupe avec sa phrase il n'y a personne à tuer (l.7) il veut rassurer, ne compte pas aller aussi loin. Sa moralité est certes douteuse, mais pas au point de commettre un crime. Michonnin réitère alors son accord, et Mercadet précise un peu plus son projet. faire revivre un homme = comique, effet plaisant, car le spectateur a enfin compris le projet de Mercadet, il veut transformer Michonnin–de la Brive en Godeau. [...]
[...] Il refuse le projet dont il a peur et veut faire comprendre à Mercadet que son projet est insensé. Il convoque en premier lieu toute une liste de personnages qui sont censés illustrer ses propos, mais il les évoque avec un rythme ternaire, bancal, qui ici traduit sa peur. L'intertextualité est riche puisque les figures convoquées sont tirées de comédies réellement écrites farces l.12) ce qui place ainsi la scène dans ce registre. Il se réfère au valet du Légataire universel qui passe son temps à se déguiser et à prendre le rôle de différents personnages pour arriver à ses fins ; à travers la cassette d'Harpagon, il rappelle les manigances et les déguisements du valet et du fils de l'avare dans la comédie du même nom pour lui dérober la cassette (référence qui reprend aussi le thème de l'argent) ; enfin le Sganarelle du Dom Juan rappelle les multiples déguisements des personnages dans cette pièce, mais cela évoque aussi toutes les comédies de Molière dans lesquelles Sganarelle apparaît et ne cesse de se travestir. [...]
[...] Mercadet revient néanmoins à cette vraie vie que convoque Michonnin d'une manière plus crue, plus parlante : il mentionne ainsi Clichy (l. ? c'est-à-dire la prison pour dettes. La peur de Michonnin est alors beaucoup plus réelle que la lointaine et hypothétique menace de la police si le projet de Mercadet ne marchait pas. Mercadet fait un appel à une réalité beaucoup plus sensible pour Michonnin, dans une réplique d'autant plus percutante qu'elle ne comporte pas de verbe, mais prend la forme d'une phrase interrogative presque rhétorique, suivie d'une exclamative qui y répond et la commente. [...]
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