Fable, La Fontaine, Le loup et le chasseur, temps, jouissance, satire, précipitation, patience, autodérision, pédagogie, morale, gradation, ironie, épicurisme
Les fables sont en effet connues pour leurs qualités pédagogiques, emblématisées par leur morale. Ces morales peuvent prendre leur source dans des doctrines philosophiques et c'est notamment le cas des fables qui se trouvent dans le livre 8 qui est le livre le plus marqué par l'épicurisme. La fable « Le loup et le chasseur » clôt ce 8e livre : elle reprend donc les bases de la doctrine épicurienne avec beaucoup de profondeur sans pour autant délaisser la gaité que l'auteur prône dans sa préface et dans les premiers livres des fables. Rire et savoir s'allient ici, non seulement sur le fond, car c'est une réflexion sur les plaisirs et le bonheur, mais aussi sur la forme de la fable qui prend une tonalité comique et joyeuse.
[...] Le sanglier se présente par ailleurs comme un double ou un rival digne du chasseur puisqu'il est qualifié de « superbe » (vers soit d'orgueilleux selon l'étymologie latine. Il agit donc sous la même impulsion que le chasseur et il est désigné comme monstre aux vers 18 et 22 comme, au premier vers, la fureur humaine. La rime interne des vers 18 et 19 entre « sanglier » et « archer » tend à souligner l'égalité, apparente et risible, des deux rivaux. [...]
[...] Un loup burlesque, comptable mais mauvais logisticien Le discours direct du loup révèle, quant à lui, un raisonnement logique et logistique : un corps lui permet de se nourrir pendant une semaine. Mais son avarice reprend le dessus et le fait basculer dans le burlesque puisque bien qu'il dispose de pièces de choix, il s'apprête à manger des boyaux, comme il le pense : il devient ridicule en se privant et en ne satisfaisant pas sa faim, désir naturel et nécessaire. [...]
[...] Fable de la surenchère et de la gradation : entre stratégie didactique et autodérision du fabuliste L'éthos du fabuliste, en écho à celui des personnages La fabuliste se présente avec ambivalence : d'un côté il se pose en moraliste en raillant les défauts humains, mais d'un autre, il crée des jeux d'échos entre ses personnages et lui-même qui laissent transparaître une certaine autodérision. Ainsi, tout comme le chasseur se métamorphose en combattant, au vers le fabuliste-moraliste dit « combattre » la fureur humaine. L'hémistiche du même vers (« en vain sans cesse ») se pose aussi en écho à la démesure des personnages qui répètent des actions qui se révèlent finalement vaines. [...]
[...] Mais son hubris est d'autant plus flagrante lorsqu'il se met en chasse de la perdrix, sa quatrième proie qui n'apparaît que comme un mince supplément, assez futile après la chasse du sanglier (« surcroît chétif aux autres têtes », vers 28). L'attitude du chasseur est très finement raillée par le fabuliste aux vers 16 et 17, vers dans lesquels les qualificatifs désignant la mesure quantitative et la mesure morale peuvent être interchangés. Dichotomie entre être et avoir, biens éthiques et matériels L'hubris conduit les protagonistes à une préférence pour les biens matériels plutôt que spirituels. [...]
[...] Une réflexion sur la juste estimation des quantités : condamnation de toute démesure La fable est rythmée par plusieurs remarques du narrateur rappelant les biens déjà obtenus et soulignant, avec ironie, l'excès du chasseur : « la proie était honnête » (vers « c'était assez de biens. » (vers « surcroît chétif aux autres têtes » (vers 28). La démesure des protagonistes est visible par le nombre de proies qu'ils convoitent : après avoir tué le sanglier, le chasseur se met en chasse de la perdrix, quatrième proie qui rompt avec le ternaire classique en le dépassant. [...]
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