Bien qu'assez simple en apparence, Le roman est un genre complexe de la littérature. François Mauriac affirmait par exemple dans Le romancier et ses personnages, en 1972, qu'« On ne pense pas assez que le roman qui serre à la réalité du plus près possible est déjà tout de même menteur par cela seulement que les héros s'expliquent et se racontent. (…) Le monde des héros de roman vit, si j'ose dire dans une autre étoile, - étoile où les êtres humains s'expliquent, se confient, s'analysent la plume à la main, recherchent les scènes au lieu de les éviter, cernent leurs sentiments confus et indistincts d'un trait appuyé, les isolent de l'immense contexte vivant et les observent au microscope. » On parle ici d'un cas particulier du roman : celui où le narrateur est intérieur à l'histoire, un narrateur personnage. Mais François Mauriac a-t-il tort ou raison ?
[...] Le narrateur personnage, peut aussi faire des dialogues dans son histoire. Il utilise alors trois formes de discours, dont un est la réalité : le discours rapporté. En effet, quand il raconte un dialogue avec cette forme de discours, il dit précisément ce qu'il a entendu, comme s'il avait noté, à tout moment de sa vie, la totalité des conversations auxquelles il avait participé ou entendu, pour photocopier et insérer dans son récit ces notes. Le roman d'Albert Camus en est un bel exemple, avec un long dialogue en milieu d'incipit : Mais il m'a interrompu : Vous n'avez pas à vous justifier, mon cher enfant. [...]
[...] J'ai dit : Oui, monsieur le directeur. Il a ajouté : Vous savez, elle avait des amis, des gens de son âge. Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps. Vous êtes jeune et elle devait s'ennuyer avec vous. Le narrateur et le directeur de la maison de retraite discutent, le narrateur rapporte tout ce qu'il a entendu exactement, il dévoile donc la réalité au lecteur. Il y a aussi du discours rapporté dans le texte de Günter Grass, comme Il émit : Vous m'avez recommandé le mot qu'il fallait. [...]
[...] Le narrateur personnage altère, du moins en bribes, la réalité. En effet, ce dernier ne raconte que ce qu'il voit, à sa manière. Certains éléments de son monde sont alors à son désavantage, et il préfère les garder pour ne pas les dévoiler à son auditoire (les lecteurs) pour se préserver, d'autant plus qu'il est censé être un être humain (dans la majorité des romans). Il a alors un point de vue subjectif. Le narrateur personnage a de plus des ennemis, amis, ou tout simplement des sentiments mauvais ou bon envers les autres personnes qui l'entourent dans son monde. [...]
[...] Enfin, il peut être de proposer une vision du monde et des hommes différente par le biais de narrateurs personnages non- vivants, d'auteurs prenant eux-mêmes la place de leur narrateur personnage, ou enfin par une confusion sur le narrateur. Ce dernier peut néanmoins ne pas être personnage. Il répondra alors à d'autres visions que le narrateur personnage, qui seront néanmoins différentes selon les contextes. [...]
[...] Pour conclure, le rôle du roman, quand le narrateur est personnage, est différent selon le contexte de l'histoire. En effet, il peut être de déformer la réalité, notamment en racontant subjectivement ce qu'il voit ou a vu ou en sélectionnant soigneusement ce qu'il raconte pour négliger ou appuyer certains passages, et tout autant en analysant par avance ce qu'il va dire. Il peut aussi être de montrer la réalité telle qu'elle est, grâce à un narrateur personnage qui se raconte lui-même, qui fait tout au long de son récit de multiples descriptions formelles, ou bien entendu du fait qu'il raconte des dialogues, qu'il met parfois sous la forme de discours rapporté. [...]
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