Commentaire linéaire : Le ravissement de Lol V. Stein (p112-113) de Marguerite Duras de "- Je veux, dit-elle" jusqu'à "La nouveauté d'une fleur"
[...] Lol et Jacques se sont entièrement départis des oripeaux de la société, ils deviennent « dépeuplés », atteignent cette « virginité de Lol », redisent leurs noms désormais vierges, qui n'appartiennent plus qu'à eux seuls. Dans les deux derniers paragraphes du texte, le lyrisme amoureux s'accentue. Jacques parle de nouveau à la première personne, « Je me rapproche de ce corps. Je veux le toucher ». Il ne dit pas « son corps », car ni elle ni lui ne possèdent plus rien, il a accédé à l'univers transparent de Lol, où l'amour sera à la fois physique et immatériel. [...]
[...] Tatiana et son mari sont partis, Lol V. Stein et Jacques Hold se retrouvent seuls dans le salon. Dans une premier mouvement du texte ils se taisent, prononcent seulement leurs noms. Jacques Hold est comme aspiré par Lol, par son mystère. Puis, dans un deuxième temps, Jacques Hold se « rapproche de ce corps ». Une rencontre physique a lieu, dont on verra qu'elle est beaucoup plus que simplement physique. « - Je veux, dit-elle. » C'est Lol qui, bien que presque totalement silencieuse, décide que Jacques Hold l'embrassera. [...]
[...] « Elle se tait, regarde ma bouche. Et puis voici . ». Tout dans ce silence (« Elle se tait ») semble à la fois très lent et très rapide: « Et puis voici, nous avons les yeux dans les yeux ». Le contact par le regard, à ce moment, est immédiat, un pacte est scellé, que Jacques Hold qualifie de « despotique ». « Irrésistiblement, elle veut ». De « Je veux » à « elle veut », une révolution s'est produite sans qu'on sache comment, Jacques Hold devient le spectateur envoûté du désir « irrésistible » de Lol. [...]
[...] « Sa bouche s'ouvre sur la mienne ». Leurs bouches s'ouvrent l'une sur l'autre, et ce premier contact est magnifié par celui de la main de Lol « ouverte posée sur mon bras ». La répétition de des termes d'ouverture souligne l'accès des deux corps l'un à l'autre, par des contacts délicats mais fusionnels. La dernière phrase du texte est un poème récité en pensée par Jacques Hold à Lol: « Sa main ouverte posée sur mon bras préfigure un avenir multiforme et unique, main rayonnante et unie aux phalanges recourbées, cassées, d'une légèreté de plume et qui ont, pour moi, la nouveauté d'une fleur ». [...]
[...] Impossible narration parce qu'expérience indicible, telle est sans doute la gageure du roman. Mais ici on est plutôt frappé par un extrême bonheur du récit, sous la plume d'un narrateur, Jacques Hold, qui vit et raconte avec art les étapes subtiles d'une rencontre amoureuse extrême, dominée, quelle que soit la « transparence » incernable de Lol V. Stein, par son propre bonheur. Ce « bonheur » qui se révèle, à travers le livre, comme le mot sésame de Lol elle-même, demeurée depuis la scène du bal dans la contemplation émerveillée du bonheur de Michael Richardson et d'Anne-Marie Stretter. [...]
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