Ce document est une explication très complète du texte de Spinoza : "Spinoza, Traité des autorités théologique et politique". Il est composé d'une introduction, de deux parties et d'une conclusion.
[...] On pourrait donc dire qu'on voit apparaître dans ce texte la double fonction du membre d'un corps politique, qui se définit comme à la fois sujet et citoyen : sujet en tant qu'il obéit à la loi, citoyen en tant qu'il la vote. C'est le sujet qui montre que la loi est déraisonnable : c'est dire qu'en le montrant, il continue à lui obéir, et qu'il ne prétend en rien la modifier de sa propre initiative, et il peut par ce travail être reconnu comme citoyen, c'est-à-dire comme participant au corps politique, comme faisant partie de la république. [...]
[...] Sa pensée n'est pas là pour faire l'objet d'une discussion rationnelle, mais uniquement pour faire pression : la parole n'attend pas une réponse, elle prétend être directement cause d'un effet politique. Pour illustrer sa thèse, Spinoza donne un exemple portant sur la liberté d'expression par rapport à une loi : il est parfaitement licite de faire une critique d'une loi, et d'expliquer pour quelles raisons il serait souhaitable qu'elle soit abrogée. En donnant un tel exemple, Spinoza choisit un exemple maximal de liberté de penser politique qui permet de bien faire comprendre la différence fondamentale qu'il introduit entre l'objet d'une pensée et sa nature : la politique en tant qu'objet n'est évidemment pas interdite si elle est analysée de façon rationnelle. [...]
[...] Il serait donc possible de montrer ici que la revendication d'une liberté de penser illimitée conduirait à ce que Rousseau appelle despotisme, c'est-à-dire usurpation de la souveraineté par un individu. Une telle usurpation est évidemment très grave puisqu'elle équivaut à la mort de la république. Or il est facile de la séduire en accusant les pouvoirs publics d'injustice et en lui faisant croire qu'elle est opprimée : on la conduit ainsi à confondre l'obéissance et l'esclavage, à ne pas voir que la liberté ne peut se définir que dans la limite de la loi et qu'elle n'est évidemment pas un droit de tout faire. [...]
[...] Quant à l'extension de cette liberté, elle ne saurait être limitée par l'objet de la pensée, mais seulement par sa nature. Alors que les systèmes de censure existant dans la plupart des États européens à l'époque de Spinoza interdisent les livres à cause de leurs objets, et vérifient donc tout ce qui est publié en matière religieuse, politique ou morale - textes hérétiques, textes subversifs, textes libertins - , Spinoza pose ici comme seule limite le caractère rationnel ou non rationnel des thèses qui sont soutenues. [...]
[...] Cet exemple ne permet pas seulement d'illustrer la thèse de Spinoza, il permet surtout d'en repérer la portée. Ce qui a été dit ici du discours politique vaut a fortiori pour tous les autres discours : on a donc les moyens maintenant et de défendre la liberté de penser, et de voir les limites très précises qu'on peut lui assigner. L'enjeu fondamental de ce texte est ainsi de conduire à repenser la notion d'interdit politique, et par là même celle de pouvoir absolu. [...]
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