Situation :
Thème humaniste par excellence, l'éducation occupe une large place dans les Essais de Montaigne. Le diptyque que forment le chapitre I, 25, « Du pédantisme » et le chapitre I, 26, « De l'institution des enfants » s'attache tout particulièrement au portrait de l'enseignant. Le nom du chapitre « De l'institution des enfants » en embrasse la matière : le terme institution désigne bien ce qui concerne la pédagogie, l'enseignement, l'éducation.
Caractérisation :
Or, l'incipit du chapitre 26 assume une fonction déceptive. Alors que l'on pourrait s'attendre à ce que l'auteur parle de pédagogie, il professe son ignorance. Ici se dévoile un sujet qui n'a pas besoin de citations pour traiter son thème ; c'est lui-même qui sera son propre exemple.
[...] Plan : L'incipit du chapitre 26 présente trois mouvements : De « Je ne vis jamais père » à « à la Française. » : Montaigne présente dans un premier temps l'amour inconditionnel que le père porte à son enfant, l'auteur à son livre, qui, en dépit de tout défaut, demeure sien. De « Car en somme » à « au moins selon icelle. » : l'auteur-instituteur confie le caractère parcellaire de ses connaissances et son ignorance. De « Et si l'on m'y force » à « à moi, si peu que rien. [...]
[...] Montaigne se dit en effet moins « savant » qu'un « enfant » des « classes moyennes » (à l'aide de la comparative « plus savant que moi »), c'est-à-dire des classes intermédiaires du collège ; l'écho interne « savant » / « enfant » reléguant à nouveau tout savoir à la prime jeunesse. Le texte est d'ailleurs envahi par l'idée d'une primarité : la « première leçon », dont il est question dans la phrase suivante, fait écho à la « croûte première de son enfance » et aux « premier linéaments ». [...]
[...] L'amour du père justifie, en effet, la reconnaissance du père, malgré toute « défaillance ». Chair de sa chair, l'enfant lui est comme consubstantiel ; la multiplication des pronoms personnels « il », se référant au père (« s'il n'est du tout » ; « qu'il ne s'aperçoive ») et à l'enfant (« il est sien »), tend presque à identifier l'un et l'autre. Et c'est précisément ce que Montaigne avait déclaré à l'entrée de son livre : « je suis moi-même la matière de mon livre ». [...]
[...] Ce faisant, il reste dans des propos généraux (« la prétention des sciences au service de notre vie » : ce que les sciences nous donnent, leur apport et contribution), qui ne font que gloser le « ce à quoi elles visent » qui précédait. Décrite jusque-là comme ensemble de connaissances parcellaires, la science de Montaigne va être alors dénoncée comme inepte, échappant à toute mise en pratique. L'adversatif « mais », placé après la comma, inaugure la disjonction entre le savoir (« sais-je ») et la pratique (« je ne l'ai jamais fait »). [...]
[...] La culture des collèges traditionnels use en effet du gavage superficiel, que révèlent les adjectifs « général et informe ». Au rythme binaire : « général et informe » répond, en parfait écho, « un peu de chaque chose et rien du tout ». On passe alors de la difformité des premières lignes (« teigneux ou bossé ») à l'« informe », de l'enivrement affectif (« s'il n'est du tout enivré ») à la connaissance parcellaire (« rien du tout », c'est-à-dire rien entièrement). [...]
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