Il s'agit d'un passage de la Route des Flandres qui se situe au début du roman, et qui utilise la thématique des courses de chevaux, sorte de double des cavaliers à la guerre. Les courses sont un double vivant qui s'oppose au cheval mort et à la guerre qui n'est qu'un autre nom de la mort imminente dans le roman.
[...] Le ralenti est suggéré par l'abondance anormale chez Simon de virgules, qui ralentissent le mouvement. La comparaison finale marque encore la distance entre la réalité décrite tout en volume, et ce que permet de voir la perception, qui déforme les choses : il semble que ce soit la même goutte qui pende accentuée par la modalisation et le subjonctif, puis la comparaison irréelle et rêvée hypnotiquement, magiquement, comme une balle cristalline animée au bout d'un élastique d'un mouvement de va-et-vient Troisième mouvement De l'ombre à la réalité - comme on a eu la goutte d'eau, la description en mouvement en 3D va se poursuivre autour de l'articulation pattes/ombre, comme si elle était déclenchée par ce qui précède. [...]
[...] Deuxième mouvement une comparaison explicative : une ombre qui fait partie de l'individu - La comparaison avec la goutte d'eau tend à montrer que l'ombre n'est pas un double séparé de l'être réel mais en fait parti, ce n'est pas une illusion monstrueuse en 2D, mais ce qui fait partie de l'individu ; la guerre chasse quelque chose de l'individu pour le remplacer par sa propre substance, ici métaphorisée par l'ombre, et, tout au long du livre, comme on en a un rappel ici, par une matière noire comme de l'encre, par la nuit. La comparaison introduit plus qu'une explication même, mais surajoute une autre image dans le réseau qui tente d‘exprimer l‘intrication du magma de la réalité de la guerre. [...]
[...] Premier mouvement Une imbrication de doubles dans le champ de vision de Georges - les courses de chevaux sont un double frivole des cavaliers à la guerre. Oppositon qui est marquée par les tournures négatives répétées (ne pas pas), l'adversatif mais et la nudité du présentatif il n'y avait - transition imperceptible et ambiguïté quant à l'identité des ombres des cavaliers : cataphorique les (3e ligne), la parenthèse explicative renvoie à des formes donquichottesques et fait comprendre qu‘il s‘agit d‘ombres, sans doute celles du groupe de soldats en déroute, comme le précise l‘absence de tribunes et de public élégant ou bien, plus loin, avec l'adjectif possessif leur qui fait peut-être référence à la récurrence de la mention des cavaliers de l'apocalypse, dont on ne voit que les silhouettes décharnées par la lumière ; ensuite on sera sûr qu'il s'agit bien de Georges et ses compagnons d'infortune, puisque sous les sabots des chevaux défile un paysage de guerre. [...]
[...] - la mention explicite de l'ombre de l'écriture, ombre d'encre qui ne cesse de s'épandre : comme une tache d'encre aux multiples bavures se dénouant et se renouant ce sont les fils de l'écriture, en train de se faire, à la fois monotone, toujours la même et toujours un peu différente, qui déforme la réalité, et la rend pourtant, à partir du réel et de ses individus, mais les déformant, en faisant ses créatures infernales, modelées par le souvenir de la guerre : c'est crasse de la guerre, sale, létale, avec laquelle il prend distance tout de même (les ombres ne touchent pas ce paysage d'apocalypse : glissant [les ombres] sans laisser de traces sur les décombres, les morts, l'espèce de traînée, de souillure, de sillage d'épaves que laisse derrière la guerre - Peut-être peut-on penser ici que Simon donne sa propre version de ce qu'est un roman : quand Stendhal le définissait en parlant d'un miroir que l'on promène le long d'un chemin, Simon prend le parti de dire que ce miroir ne reflète que l'ombre de la réalité, vue par une série de filtres - psychologiques, de la remémoration, phénoménologique, de l'écriture et ses procédés (hypotypose, ekphrasis notamment). [...]
[...] Des ombres doubles inquiétantes dessinées -l'ombre est un négatif des cavaliers, qui sont déjà les négatifs des jockeys. C'est une ombre qui est fidèle leurs ombres noires tantôt glissant à côté d'eux sur la route comme des doubles fidèles parce qu'elle est accrochée au personnage, comme cousu, mais surtout, ici, parce qu'elle ne se déforme pas : elle reproduit fidèlement les contours des cavaliers, mais pourtant déjà différemment. - L'ombre est personnifiée, ce qui permet de la rendre indépendante, et de la déformer à souhait, et même, d'en faire une sorte de personnage fantastique (éventuellement, évoquer le thème romantique du double maléfique) : dans fidèles on entend l'expression idiomatique chien fidèle ce double est personnifié dans un registre qui tire au fantastique. [...]
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