Explication linéaire, pour l'oral de français, complète de la lettre 81 des Liaisons Dangereuses (Pierre Choderlos de Laclos). Introduction, extrait étudié, développement et conclusion.
Voici l'extrait étudié:
Entrée dans le monde dans le temps où, fille encore, j'étais vouée par état au silence et à l'inaction, j'ai su en profiter pour observer et réfléchir. Tandis qu'on me croyait étourdie ou distraite, écoutant peu à la vérité les discours qu'on s'empressait de me tenir, je recueillais avec soin ceux qu'on cherchait à me cacher.
Cette utile curiosité, en servant à m'instruire, m'apprit encore à dissimuler : forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux qui m'entouraient, j'essayai de guider les miens à mon gré ; j'obtins dès lors de prendre à volonté ce regard distrait que depuis vous avez loué si souvent. Encouragée par ce premier succès, je tâchai de régler de même les divers mouvements de ma figure. Ressentais-je quelque chagrin, je m'étudiais à prendre l'air de la sécurité, même celui de la joie ; j'ai porté le zèle jusqu'à me causer des douleurs volontaires, pour chercher pendant ce temps l'expression du plaisir. Je me suis travaillée avec le même soin et plus de peine pour réprimer les symptômes d'une joie inattendue. C'est ainsi que j'ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné.
J'étais bien jeune encore, et presque sans intérêt : mais je n'avais à moi que ma pensée, et je m'indignais qu'on pût me la ravir ou me la surprendre contre ma volonté. Munie de ces premières armes, j'en essayai l'usage : non contente de ne plus me laisser pénétrer, je m'amusais à me montrer sous des formes différentes ; sûre de mes gestes, j'observais mes discours ; je réglais les uns et les autres, suivant les circonstances, ou même seulement suivant mes fantaisies : dès ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule, et je ne montrai plus que celle qu'il m'était utile de laisser voir.
Ce travail sur moi-même avait fixé mon attention sur l'expression des figures et le caractère des physionomies ; et j'y gagnai ce coup d'oeil pénétrant, auquel l'expérience m'a pourtant appris à ne pas me fier entièrement ; mais qui, en tout, m'a rarement trompée.
Je n'avais pas quinze ans, je possédais déjà les talents auxquels la plus grande partie de nos politiques doivent leur réputation, et je ne me trouvais encore qu'aux premiers éléments de la science que je voulais acquérir. (...)
[...] Je me suis travaillée avec le même soin et plus de peine pour réprimer les symptômes d'une joie inattendue. C'est ainsi que j'ai su prendre sur ma physionomie cette puissance dont je vous ai vu quelquefois si étonné. J'étais bien jeune encore, et presque sans intérêt : mais je n'avais à moi que ma pensée, et je m'indignais qu'on pût me la ravir ou me la surprendre contre ma volonté. Munie de ces premières armes, j'en essayai l'usage : non contente de ne plus me laisser pénétrer, je m'amusais à me montrer sous des formes différentes ; sûre de mes gestes, j'observais mes discours ; je réglais les uns et les autres, suivant les circonstances, ou même seulement suivant mes fantaisies : dès ce moment, ma façon de penser fut pour moi seule, et je ne montrai plus que celle qu'il m'était utile de laisser voir. [...]
[...] mon attention aux yeux qui m'entouraient." "Entrée dans le monde dans le temps . observer et réfléchir." "Tandis qu'on me croyait . qu'on cherchait à me cacher." "Cette utile curiosité . yeux qui m'entouraient" Le démarrage par le participe passé à valeur d'adjectif "entrée", ressemble à une formule de conte ou à l'ouverture d'un récit moraliste : Mme de Merteuil remonte loin dans ses souvenirs et donne à voir son histoire au lecteur. Par la métaphore "dans le monde", Mme de Merteuil se rappelle sa présentation à la Cour. [...]
[...] Elle parle du temps de son extrême jeunesse par le biais de la litote "fille encore", avant qu'elle n'acquiert un statut social par le mariage. La voix active "j'étais vouée" qui montre que la Marquise subit l'action, renforcée par la définition du verbe "vouée" et par le complément circonstanciel de cause "par état" dénonce le sort qui est réservé aux femmes au XVIIIe siècle : "le silence et l'inaction" (lexique de l'impuissance) Le verbe "savoir" conjugué à la voix active, au passé composé (temps du passé dont les conséquences se voient dans le présent) créé une antithèse avec la première partie de la phrase, montrant ainsi le caractère opposant de Merteuil. [...]
[...] suivant mes fantaisies" "dès ce moment, ma façon de penser . utile de laisser voir" "Ce travail sur moi-même . je voulais acquérir" Merteuil revient une fois encore sur sa jeunesse pour insister sur le fait qu'elle est autodidacte. Elle se montre ici féministe puisqu'elle oppose, par la coordination "mais", la condition de la femme de l'époque "sans intérêt" à la seule liberté et au seul bien dont elle dispose véritablement "sa pensée", mis en valeur par la négation restrictive "ne . que". [...]
[...] Explication linéaire: Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos Introduction Les Liaisons dangereuses est un roman épistolaire écrit par Pierre Choderlos de Laclos en 1782. A travers 175 lettres échangées par les personnages, l'auteur raconte les manipulations immorales et perverses auxquelles se livrent deux libertins, la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont. Dans l'extrait de la lettre 81, Mme de Merteuil explique les raisons et son parcours qui ont fait d'elle une libertine. On peut se demander comment la Marquise de Merteuil dresse un autoportrait qui exprime clairement sa supériorité sur Valmont et les autres courtisans. [...]
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