Les moralistes du Grand Siècle ont mis en lumière la dichotomie entre l'être et le paraître, tandis que le théâtre classique s'interrogeait sur la difficulté d'exprimer à l'autre un désir combattu. Corneille, Quinault, Racine ont tour à tour analysé les affres du sentiment qui doit se déclarer au grand jour...
[...] Ils montrent un monde amoral bien plus qu'immoral, propre à susciter les réactions souvent hostiles du public. En 1723 le Français joue Le divorce de l'amour et de la raison de Pellegrin alors que chez Marivaux l'Amour et la Vérité ne se croisent qu'un bref instant afin de confronter leurs plaintes. Voltaire, Diderot et Beaumarchais poursuivent dans cette voie qui cherche à faire voir et faire découvrir le désir d'une nature plus biologique qu'ontologique. Comment la scène peut-elle devenir le champ d'exploration d'un désir qui se découvre et se partage ? [...]
[...] D'ailleurs elle reprend le terme dans une phrase marquée par une allitération de gutturales et de dentales ce qui met en valeur son désarroi : « Il n'y a rien de plus désagréable que votre obstination à me croire polie ». Les diérèses désagréables contribuent à cet effet. Le vernis de la conversation harmonieuse a totalement disparu. La diction même traduit sa défaite. La jeune femme se voit ainsi contrainte de se déclarer ou du moins de dévoiler une partie de son jeu. Son amour -propre ainsi foulé aux pieds, elle se voit contrainte d'éclairer son adversaire : « Je suis d'un sexe un peu fier. Je vous dis de rester, je ne saurais aller plus loin. Aidez-vous. ». [...]
[...] En 1724 il propose chez les Italiens La Fausse Suivante ou le fourbe puni. Si l'on retrouve les ingrédients de ses succès précédents, triangle amoureux, travestissement et inconstance, Marivaux place au cœur de son intrigue le mensonge, l'argent et le plaisir de la manipulation. Le titre de l'œuvre déjà dévoile la dimension de jeu en jouant sur la polysémie de l'adjectif fausse, qui oriente sur l'identité tout comme sur l'intention de tromper du personnage principal que les didascalies appellent Chevalier jusqu'à la dernière scène, rappelant le thème du travestissement et du jeu entre les sexes. [...]
[...] L'aparté souligne à la fois sa jubilation mais aussi une certaine cruauté qui éclate dans l'expression « je veux l'achever ». Ce n'est pas un duel au premier sang mais bien une mise à mort de l'amour -propre que Marivaux souhaite montrer dans cette scène. La référence généralisante au sexe féminin donne à ce passage une dimension cathartique forte. Son premier mot « Adieu », repris plus loin, donne le ton, et lance une série de fausses sorties qui vont ponctuer la suite de cette longue scène afin d'amuser le public par un jeu de déplacement et pour éviter que la scène ne devienne trop statique. [...]
[...] L'esprit et le cœur ne se trouvent plus de modus vivendi. Le héros, isolé et troublé, se sent alors en situation de faiblesse. Pour ne pas souffrir par autrui, il devient vital d'en être aimé et d'imposer à l'objet désiré, les tourments que l'on ne veut pas ressentir. La sympathie, dans son sens étymologique, se transforme en apathie. Pour éviter ses propres tourments, l'amoureux se métamorphose en amant. Il entre alors dans la spirale grisante de l'épreuve, sous les yeux d'une domus amusée. [...]
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