Bartleby, louis lambert, lenz, buchner, balzac, melville, exemples, exemplarité, énigmes, énigmatique, littérature comparée
Nombre de romans du XIX° siècle mettent en scène des personnages tourmentés, victimes de leur société ou présentant le syndrome du "mal du siècle", ce qui est en partie dû à l'esprit du romantisme, qui s'exprime en France et en Allemagne dans un rejet des conventions littéraires et aux États-Unis comme un souhait de se libérer, se différencier de la culture littéraire anglaise encore trop présente dans les esprits.
Dans les trois oeuvres éponymes que sont Louis Lambert, de Balzac, Lenz, de Büchner et Bartleby de Melville, on assiste aux tourments de personnages victimes de quelque chose qui leur échappe et les perd dans des obsessions qui causeront leur perte, d'abord par la folie et jusqu'à la mort.
[...] On doit donc certainement en déduire que ce sont des exemples à suivre dans le sens où les causes de ces différents personnages sont louables, justes, mais également des exemples à ne pas suivre, c'est-à- dire des "contre-exemples" dans la mesure où ils ont fini par se perdre en se mettant totalement en marge de la société, et en sombrant dans la maladie mentale, incomprise par leur entourage et par le reste du monde, insasissable, ce qui leur donne à chacun un caractère mystérieux, indéchiffrable, en somme "énigmatique" L'enigme se définit comme une chose difficile, voire impossible à comprendre, à connaître, quelque chose dont le sens est caché, que l'interlocuteur cherche à deviner, connaître. Le côté énigmatique des personnages, notemment chez Lenz et chez Bartleby s'exprime dans le fait qu'ils laissent l'un comme l'autre planner un certain mystère à propos de leur passé, de leur identité, ce qui se note tout d'abord dans le fait qu'ils ne sont nommés que par leur patronyme tout au long de l'oeuvre. L'auteur laisse ainsi comprendre qu'une partie de son personnage est dissimulée, incompréhensible, mystérieuse, énigmatique. [...]
[...] "Voulez-vous me dire, Bartleby, où vous êtes né? - Je préfèrerai ne pas. - Voulez-vous me dire quoi que ce soit qui vous concerne? - Je préfèrerai ne pas" C'est pour Bartleby une manière de se dénaturer, en refusant son identité, il montre son souhait de ne plus appartenir au genre humain. Il n'est plus un homme, il n'incarne que le refus et en devient presque l'allégorie, Bartleby est l'essence même du refus. Chez Büchner, si le passé de Lenz est dissimulé, ce n'est pas pour faire apparaître un refus comme c'est le cas pour Bartleby, mais pour faire ressentir au lecteur une sorte de culpabilité ou de remords du personnage en question. [...]
[...] Paradoxalement, l'oeuvre se termine par l'expression " Ah, Bartleby! Ah, humanité! L'énigme se relève à la fois dans son côté divin au sens philosophique du terme, c'est-à-dire qu'il est cause de lui-même par sa volonté presque toute-puissante, mais également dans le paradoxe entre cet aspect divin et le fait qu'il représente presque l'essence de l'humanité. Bartleby est tout, puisqu'il est un être dont la condition sur Terre est ordinaire, et en même temps rien, c'est-à-dire qu'il n'est rien de saisissable, de compréhensible. [...]
[...] Le narrateur dit lui même que " Bartleby n'est pas humain, donc je ne pouvais pas en faire plus En exprimant son "souhait" du néant, Bartleby est à un stade que le commun des mortels n'est pas capable d'atteindre, il meurt pour ne pas subir le poids de sa condition plutôt que de la supporter tant bien que mal. En ce sens, il prend presque un aspect divin aux yeux du narrateur et du lecteur. Il parvient à surpasser les codes de la société et à imposer son état d'esprit à quiconque le côtoie, la notion de préférence est désormais ancrée dans chaque personnage. Son refus est incompréhensible, il n'est pas saisissable pour la plupart des hommes puisqu'il a atteint un état "supérieur". [...]
[...] Les personnages sont dénaturés par la perte même de leur nom, et ne se résument plus que par leur mal être, causé par la culpabilité, le sentiment de rejet et la recherche de Dieu chez Büchner, par la précarité d'une condition sociale chez Melville, et par une soif de connaissance exacerbée, poussée à l'extrême chez Balzac. Ils perdent leur humanité, ne sont plus caractérisés que par leur obsession jusqu'à en perdre la raison. Ils sombrent dans une folie à laquelle assiste leur entourage impuissant. [...]
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