Sciences humaines et arts, Ève de ses décombres (p.130-132), Ananda Devi, analyse linéaire, philosophie nietzschéenne, conscience de soi, mort de Sativa, domination masculine, métamorphose personnelle
Cet extrait, situé vers la fin du roman, annonce le dénouement de l'histoire. Dans les chapitres précédents, Ève a vu le corps de son amie Sativa et a reçu une arme de la part de l'inspecteur afin de se "protéger" (p.123). Elle subit également les violences de son père qui ont atteint leur paroxysme. Réfugiée dans sa chambre, elle s'enfume pour mettre fin aux douleurs, mais plutôt que la mort, c'est la conscience d'elle-même qui surgira. Ce passage met en scène la métamorphose d'Ève : avec la tonte de ses cheveux, de souris elle devient lionne. Par quels moyens Ève parvient-elle à se libérer de la domination masculine et quelles en sont les conséquences ?
[...] La présence maternelle l'aide à aller jusqu'au bout de son acte et à se réconcilier avec sa propre culpabilité par rapport à Sativa. Aussi, ce dialogue avec sa mère permet de mettre des mots sur sa relation avec sa famille et de tirer un trait avec le passé. Ainsi, à la fin, Eve parviendra à laisser Troumaron derrière elle comme en témoigne le premier chapitre du roman Je suis sortie. Rien ne m'arrêtera plus p.10) qui est, chronologiquement, le dernier. [...]
[...] Cependant, la comparaison n'est pas seulement due aux couleurs : Ma surface est bariolée semblable au costume traditionnel d'Arlequin. Arlequin peut en effet être rapproché d'Eve : ce personnage est, dans la tradition italienne, un éternel étranger, un migrant arrivé en ville et qui ne sait rien des mœurs citadines. Il pose un regard naïf sur ce qui l'entoure et critique par ses discours bruts la légitimité des usages. De même Eve semble bien souvent étrangère au monde qui l'entoure. [...]
[...] Face à cette vision d'elle-même, elle se craquelle dans une hyperbole métaphorique une myriade de fissures s'ouvrent en moi Comme un mur qui craque, elle se défait, laisse mourir une part d'elle-même afin de laisser voir le paysage qui se trouve de l'autre côté de la paroi qui la retenait enfermée. II Libération de la domination masculine Les cheveux : un symbole fort de la féminité Suite à cette prise de conscience, Eve prend immédiatement une paire de ciseaux (p.131). Cette prise de décision immédiate, sans transition, peut être qualifiée d'instinctive : ce n'est pas une décision réfléchie. Eve veut se débarrasser de ses cheveux. [...]
[...] Dans la religion juive, les femmes doivent traditionnellement se raser la tête. Pour Eve, cette libération est aussi épuration des artifices afin de révéler son véritable moi Le résultat est un succès. Quand elle se regarde de nouveau dans le miroir, cette fois-ci, elle réussi[t] à sourire (p.132) tandis qu'au début de la scène, son sourire était fissure. Elle est dès lors métamorphosée Le ton de la narration prend une teinte plus légère, Eve trouve ainsi qu'elle a une drôle de tête A bien des reprises, Eve se comparait elle-même à une souris animal fragile, petit, inoffensif, qui se faufile entre les trous. [...]
[...] Je ne sais plus où j'ai mal Partout Elles ne sont pas que physiques, elles sont également psychologiques. En cherchant à mourir, Eve veut se débarrasser de son être et de ses douleurs symptomatiques de la domination masculine. Un miroir pour prendre conscience Lorsqu'elle subit des violences, Eve sépare son âme de son corps qu'elle traite comme une simple machine, un objet qui ne lui appartient pas. C'est sa façon de protéger son univers intérieur et sa personne des affronts qui lui sont faits. [...]
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