Ce texte apparaît au début de l'acte III de la pièce alors que le héros éponyme et son fidèle Sganarelle s'enfuient dans la forêt afin d'échapper à leurs poursuivants. Cette chevauchée est une nouvelle occasion de débattre de leur différence de point de vue pour le couple maître-valet.
Alors que le serviteur défend la religion et l'existence de Dieu, le seigneur apparaît sceptique. Dans un commentaire linéaire, voyons comment et par quels procédés deux thèses s'opposent violemment dans le texte même si en apparence, seule la vision de Sganarelle semble s'exprimer.
Maître et valet ont souvent l'occasion de converser tout au long de la pièce. Sganarelle a un rapport privilégié avec Dom Juan qui lui dévoile souvent plus volontiers ses pensées. Même s'ils ont un rapport de dépendance, ils entretiennent néanmoins une certaine complicité. Ici, le débat prend une dimension d'autant plus spéciale qu'il se fait à l'initiative de Sganarelle.
[...] La réponse de Dom Juan j'attends que ton raisonnement soit fini montre que celui-ci s'amuse des difficultés de son compagnon et l'écoute avec un certain cynisme. Quand ce dernier reprend, il se met en tête de prouver la virtuosité du corps humain en se trémoussant dans tous les sens, et finit par se contredire en tombant. Le passage repose essentiellement sur le comique de geste. On imagine Sganarelle dissertant pompeusement et maladroitement tout en gesticulant de manière tout aussi ridicule en vue d'illustrer ses propos. L'échec de son discours le conduit à recourir à la gestuelle, ce qui montre bien l'ancrage physique du personnage. [...]
[...] Le fameux cogito ergo sum de Descartes va d'ailleurs aussi dans ce sens : on existe forcément puisqu'en douter revient à affirmer notre existence. L'âme est définie comme une chose, une substance pensante. L'origine des idées est donc en quelque sorte dans le cerveau et non ailleurs. C'est en cela que Descartes se rattache au matérialisme même s'il est par ailleurs théiste. Par extension, par glissement, être matérialiste c'est aussi expliquer le supérieur (l'esprit) par l'inférieur (la matière) et donc de refuser dieu, l'immortalité de l'âme et donc plus généralement la religion. En ce sens, le matérialisme se rapproche de l'athéisme. [...]
[...] Dans.« ces arbres-là, ces rochers, cette terre, et ce ciel là-haut l'emploi du démonstratif montre bien que Sganarelle se sert de ce qu'il voit autour de lui pour discourir. Le champignon d'ailleurs appartient lui aussi au cadre naturel de la forêt qu'ils traversent. On voit bien que le personnage est terre-à-terre et que son discours n'est pas fait d'idées. De plus, il a des difficultés à trouver ses mots et plus il avance dans la tirade, plus cette difficulté se ressent. [...]
[...] En effet, les personnages sont déguisés, comme l'indique bien les didascalies : Dom Juan en habit de campagne et Sganarelle en médecin et ceci, pour échapper à leurs poursuivants. Mais ces vêtements introduisent également un rapport d'égal à égal. C'est quasiment une promotion sociale pour Sganarelle qui devient subitement un savant homme et dont les habits le mettent, en plus, en confiance. D'ailleurs, un peu auparavant dans la pièce il raconte la manière dont les villageois le saluent respectueusement. Sganarelle s'est même prêté au jeu puisqu'il en a profité pour leur faire des prescriptions médicales, comme si son habit suffisait à le rendre compétent. [...]
[...] Cette affaire de moine bourru aboutit à une constatation de Sganarelle, qui pour lui est une évidence : il faut bien croire à quelque chose dans ce monde. Qu'est-ce donc que vous croyez ? La célèbre réponse de Dom Juan : Je crois que deux et deux sont quatre, Sganarelle, et que quatre et quatre sont huit» scinde le texte en deux. C'est l'aboutissement de l'interrogatoire qui précède sur les croyances puisque c'est une ébauche, une bribe de réponse, bien que Sganarelle ne la comprenne pas. [...]
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