Aux éditions Mercure de France, 1991, la collection Mille Pages publie les Romans Autobiographiques d'Octave Mirbeau, contenant trois romans de l'auteur : Le Calvaire, L'Abbé Jules, et Sébastien Roch. Or cette étude s'attardant sur ce dernier incite à s'interroger sur la justesse de cette classification, puisqu'il n'y a ni personnage dont l'existence assure le réel, ni plus précisément la présence de l'auteur par un récit mené à la première personne ou l'évocation de son nom. Rappelons alors que lors de sa première publication chez Charpentier en 1890, l'œuvre est accompagnée du sous-titre « Roman de mœurs », indication qui ne confirme en rien l'appellation autobiographique. Cependant, en étudiant de plus près la biographie d'Octave Mirbeau et en rassemblant plusieurs fragments qui la constituent, nous retrouvons des similitudes avec l'œuvre, et il sera intéressant de garder cela en mémoire lorsque nous tenterons de mesurer l'intérêt de ce truchement littéraire.
[...] Ainsi si deux raisons semblent au départ motiver le désir de Monsieur de voir son fils au collège Jésuite de Vannes, une éducation de renom et une élévation de sa propre réputation, lorsque Sébastien est renvoyé, il semble que ce ne soit que l'atteinte à l'image de sa personne qui l'inquiète : Une dernière fois, mon Révérend Père, une dernière et unique fois, j'ose vous implorer ! . Ce n'est pas à cause de ce misérable . Il n'est digne d'aucune pitié ! . Non ! Non ! Mais moi ! [...]
[...] Or, quels rôles joueront précisément ces substitutions de la figure paternelle ? II) Le Père de l'Eglise Bien certainement, par analogie nominale, nous retrouvons une figure du père dans les Pères de l'Eglise, qui se chargent de l'éducation de Sébastien au collège de Vannes. Comme il est dit Les collèges sont des univers en petit (cf. p.767), Sébastien se retrouve confronté à l'injustice sociale et aux mécanismes du pouvoir : sa condition de fils de quincailler face aux garçons de la noblesse bretonne balayera toutes possibilités d'intégration ; il liera cependant amitié avec un fils de médecin, un certain Bolorec. [...]
[...] Afin d'encadrer mon étude, et d'ouvrir ma réflexion sur cet auteur si singulier, je reviendrai sur ma question première : Sébastien Roch est-il un roman autobiographique ? Mes interrogations se portent davantage sur le personnage de Bolorec qui constitue un troublant reflet de l'auteur : en effet, fils de médecin comme Octave Mirbeau, celui-ci intervient dans des épisodes dont il est avéré qu'ils ont été vécus par l'auteur ; quant à son renvoi, il demeure aussi obscur que celui d'Octave Mirbeau dont on ne sait nullement rien du viol d'un point de vue biographique. [...]
[...] En ce qui concerne la structure, l'auteur a placé l'acte au centre du livre, ce qui a pour effet de scier le roman et la vie de Sébastien Roch en deux. Or, la perversité du Père pousse le geste jusqu'à rendre coupable entièrement l'enfant, et accorde même de l'entendre en confession. Ainsi, comme l'auteur le souligne, ce son les même qui salissent et bénissent le jeune Sébastien, l'absolvent du crime qu'elles-mêmes ont commis. Une nouvelle fois, le jeune adolescent fait face à un homme qui différent entre son discours et son comportement : aucun remords dans son œil ou de culpabilité dans son allure[3], rien qui ne puisse rassurer Sébastien dans ses turpitudes, malgré des paroles qu'il voudrait réconfortantes, mais qui transpire, pour l'enfant, le mensonge et l'inconsidération. [...]
[...] Il me regarde d'un air ahuri. Evidemment, il ne s'est jamais posé la question. Eh bien, mon garçon, la Patrie, c'est deux ou trois bandits qui s'arrogent le droit de faire de toi moins qu'un homme, moins qu'une bête, moins qu'une plante : un numéro. Et vivement, pour donner plus de force à mon argumentation, j'arrache le numéro et en frotte le nez du paysan, et je poursuis : C'est-à-dire que pour des combinaisons que tu ignores et qui ne te regardent pas, on t'enlève ton travail, ton amour, ta liberté, ta vie Comprends-tu ? [...]
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