L'aggravation de la crise politique et religieuse en France depuis la mort du roi pousse Ronsard à intervenir dans la polémique ; il répond ainsi à l'offensive éditoriale menée par les protestants depuis Genève. En effet, le conflit est soutenu du côté catholique comme du côté protestant par une abondante production théorique et pamphlétaire. La crise suscitée par la Réforme provoque un schisme confessionnel qui impose de choisir son camp, de choisir sa religion. Dans les Discours, Ronsard choisit de défendre sa fidélité à l'égard du catholicisme, religion traditionnelle, et attaque, de plus en plus violemment, le camp des Réformés.
Mais ce sont les circonstances qui ont motivé cet engagement, il est donc exclu de considérer que les Discours procèdent de l'expression spontanée d'une foi personnelle. Pour bien le voir, on peut comparer le genre choisi par Ronsard à deux autres types de publications littéraires qui se développent fortement à l'époque, en lien avec le religieux, la littérature d'édification (à laquelle se rattachent par exemple l'hagiographie ou les catéchismes) et la poésie sacrée, qui procède le plus souvent d'une paraphrase des textes bibliques. A l'inverse, nous allons voir que Ronsard se détourne finalement de l'enjeu strictement religieux et se place essentiellement sur le terrain politique, et que c'est dans une perspective politique qu'il justifie son positionnement en faveur du parti catholique et défend la place qu'il prétend occuper dans ce parti.
[...] Avec cette critique, Ronsard dénonce un principe majeur de la Réforme, celui de sacerdoce universel : l'idée selon laquelle tout chrétien baptisé dispose de la compétence nécessaire pour comprendre et interpréter la Bible. Ce principe qui sape les fondements de l'autorité de l'Eglise est présenté par Ronsard comme la source de la discorde, sous la forme de l'Opinion, ce monstre envoyé par Jupiter pour troubler les hommes. Je cite le "Discours", v. 127-196 : à cause de l'Opinion, « Morte est l'autorité : chacun vit à sa guise / Au vice desreglé la licence est permise, / Le desir, l'avarice, et l'erreur incensé / Ont sans-dessus-dessoubs le monde renversé ». Ce désordre cosmique se manifeste notamment dans le fait que n'importe qui se sent légitime pour s'occuper de théologie : « Les enfans sans raison disputent de la foy » (v. 165), une idée que Ronsard développe dans la Remonstrance, lorsqu'il s'attaque aux « Docteurs de ces sectes nouvelles » (...)
[...] 770-172) : Vous, Seigneurs, qui portés un cueur chevaleureux, / Que chacun à la mort fortement s'abandnne, / Et de ce jeune Roy redessés la couronne ! un peu plus loin : Souvenez-vous, Seigneurs, que vous estes enfans / De ces peres jadis aux guerres triomphans, / Qui pour garder la foy de la terre Françoise / Perdirent l'Albigeoise et la secte Vaudoise L'expression la foy de la terre Françoise me paraît très intéressante en ce qu'elle associe défense du catholicisme et défense du territoire, de façon à faire de la religion un facteur pardonnez-moi l'expression de l'identité nationale. [...]
[...] 404), est ensuite transportée en Grece par Saint Paul (v. 406) puis à Rome, d'où elle essaime aux quatre pars de la terre habitée pour conclure : Ceste Eglise nous est par la tradition / De pere en fils laissée en toute nation / Pour bonne & legitime, & venant des Apostres / Seulle la confessons sans en recevoir d'autre (v. 409-412). Transmise de génération en génération depuis son origine, c'est l'Eglise qui assure la cohésion en fondant les lois, au v : Pour maintenir le peuple elle ordonna des loys et en instituant des rites, au v. [...]
[...] Pour conclure cette partie, on soulignera la manière dont Ronsard se range au parti des moyenneurs, c'est-à-dire soutient la position défendue par Catherine de Médicis et Michel de l'Hospital. En se plaçant sur le terrain politique plutôt que sur le terrain religieux, en insistant sur la fonction civile de la religion et en liant la légitimité du catholicisme au pouvoir royal, au pouvoir législatif et au pouvoir judiciaire, Ronsard se consacre clairement à une entreprise de consolidation de l'autorité politique. Il se donne une mission poétique consistant à mettre son talent au service de la monarchie. [...]
[...] Ce principe qui sape les fondements de l'autorité de l'Eglise est présenté par Ronsard comme la source de la discorde, sous la forme de l'Opinion, ce monstre envoyé par Jupiter pour troubler les hommes. Je cite le Discours, v. 127-196 : à cause de l'Opinion, Morte est l'autorité : chacun vit à sa guise / Au vice desreglé la licence est permise, / Le desir, l'avarice, & l'erreur incensé / Ont sans-dessus-dessoubs le monde renversé Ce désordre cosmique se manifeste notamment dans le fait que n'importe qui se sent légitime pour s'occuper de théologie : Les enfans sans raison disputent de la foy (v. [...]
[...] Or Ronsard s'attache, dans les Discours, à montrer que pouvoir politique et religion catholique se renforcent l'un l'autre. Ce sera mon deuxième point concernant la représentation du catholicisme comme héritage à défendre. B Le catholicisme comme fondement de l'autorité politique Le catholicisme nous est présenté dans les Discours comme un fondement de l'autorité politique. Dans l'Institution, Ronsard évoque un roi envoyé du ciel, v : Car Charles, vostre nom tant commun à nos Roys / nom du Ciel revenu en France par neuf fois rappelant ainsi la légitimité d'une royauté de droit divin. [...]
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