La Première Guerre mondiale constitue un traumatisme pour toute une génération en Europe. Elle trouve donc sa place dans de nombreux romans de l'entre-deux-guerres, comme "La Peur", roman de G. Chevallier, qui a passé les cinq années de guerre au front, ou "L'Été 1914", avant-dernier volume du cycle des Thibault de Roger Martin du Gard.
L incipit du roman de G. Chevallier met en scène la proclamation de la mobilisation générale qui eut lieu le 1er août 1914. Ce même fait historique est narré dans "L'Été 1914", mais il intervient plus tard, alors que le lecteur a suivi les tentatives de Jacques Thibault, pacifiste et socialiste, pour empêcher la guerre.
[...] Les militaires prennent une grande importance et sourient aux acclamations. Les officiers de carrière se disent: L'heure sonne. Fini de croupir dans les grades subalternes! Dans les rues grouillantes, les hommes, les femmes, bras dessus, bras dessous, entament une grande farandole étourdissante, privée de sens, parce que c'est la guerre, une farandole qui dure une partie de la nuit qui suit ce jour extraordinaire où l'on a collé l'affiche sur les murs des mairies. Ça commence comme une fête. Les cafés, seuls, ne ferment pas. [...]
[...] Les gardes-champêtres avec leurs tambours, les clochers, les vieux clochers romans, les minces clochers gothiques, avec leurs cloches, annoncent : la guerre ! Les factionnaires devant leurs guérites tricolores présentent les armes. Les maires ceignent leurs écharpes. Les préfets revêtent leurs uniformes. Les généraux rassemblent leur génie. Les ministres, très émus, très ; embêtés, se concertent. La guerre, ça ne s'est jamais vu ! Les employés de banque, les calicots, les ouvriers, les midinettes, les dactylographes, les concierges eux-mêmes ne peuvent plus tenir en place. [...]
[...] Elle avait aussitôt pensé à sa mère, à Daniel; à Jacques surtout. Mais, faute d'imagination, les dangers que couraient tous ces êtres, chers ne lui apparaissaient pas nettement. Comme un écho aux anxiétés de Jacques, elle dit, à mi-voix: Qu'est-ce que vous allez faire? La voix était calme et ferme. Il prit le temps de penser: Comme elle est bien, dans tout ça . Mais il n'avait pas le courage de répondre. Il détourna les yeux, en s'épongeant le front Allons tout de même à la gare fit-il, en se levant. [...]
[...] Au contraire, pour R. Martin du Gard, faire entrer l'Histoire dans le roman n'a d'intérêt que si l'écriture littéraire met sa richesse au service de la mémoire. Ainsi, pour que le lecteur comprenne parfaitement les réactions de Jacques, témoin d'un épisode historique unique, il recourt à des images Comme un blessé qui, d'abord n'a pas senti le coup, mais dont la plaie s'ouvre soudain et saigne : il permet au lecteur de participer en assimilant une émotion unique à un ressenti plus général. [...]
[...] Est-ce les nerfs?Gabriel Chevallier, La peur (1930) [Texte Jacques Thibault, militant pacifiste, découvre avec son amie Jenny l'affiche annonçant la mobilisation générale et le début de la guerre 1914- 1918. Sur le vitrage, un papier blanc venait d'être collé, de l'intérieur. Mais Jacques et Jenny se trouvaient à trop grande distance pour pouvoir lire. On entendait murmurer: Ça y est . Ça y est . Ceux des premiers rangs demeuraient une minute, hébétés, le front levé vers l'affiche, qu'ils avaient l'air d'épeler, à grand effort d'attention. [...]
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