Gargantua est un roman composé de plusieurs grands mouvements régissant l'organisation interne du récit. L'un de ces ensembles concerne la mise en place de la guerre contre le pays de Lerné, dirigé par le roi Picrochole, avant la victoire finale de Gargantua. Ce mouvement débute au chapitre XXIII, dans lequel les fouaciers de Lerné et les bergers de Gargantua s'affrontent sur le prétexte que les premiers ne veulent pas donner leurs fouaces (sorte de brioches) aux seconds. S'ensuit un débordement de violence initié par les fouaciers, mais dans lequel les sujets de Grandgousier sont vainqueurs. C'est au chapitre XXIV que cette altercation prend de l'ampleur : les habitants de Lerné, de retour dans leur pays, se plaignent à leur roi, qui décide d'entrer en guerre. C'est la première fois dans ce passage que Picrochole, l'un des héros secondaires du roman, apparaît.
Comment la figure de ce roi s'entremêle-t-elle à une écriture de l'excès au service de la construction de l'opposition entre le peuple de Gargantua et celui de Picrochole ?
[...] Etude du chapitre XXIV de Gargantua, de Rabelais Gargantua est un roman composé de plusieurs grands mouvements régissant l'organisation interne du récit. L'un de ces ensembles concerne la mise en place de la guerre contre le pays de Lerné, dirigé par le roi Picrochole, avant la victoire finale de Gargantua. Ce mouvement débute au chapitre XXIII, dans lequel les fouaciers de Lerné et les bergers de Gargantua s'affrontent sur le prétexte que les premiers ne veulent pas donner leurs fouaces (sorte de brioches) aux seconds. [...]
[...] L'opposition mise en jeu dans le texte est introduite dès la première phrase. L'expression davant boyre ny manger contient une référence implicite aux gens de Gargantua qui, au dernier paragraphe du chapitre précédent, faisaient ensemble un bon repas. Dans la même phrase est présente la description des résultats du chapitre précédent à travers une énumération qui ne contient rien de faux leurs paniers rompuz, leurs robbes dessirées, leurs fouaces destroussées, et singulierement Marquet blessé enormement - mais dont le caractère incertain est fondé sur le fait que les fouaciers dépeignent les résultats, et non la cause de leurs malheurs : cette énumération est introduite par monstrans verbe qui souligne bien l'attachement aux apparences. [...]
[...] Or, ceux-ci n'étaient pas toujours des modèles de justice et de paix, certains étant des conquérants, comme Jules César, et d'autres des fous, comme Néron qui mit le feu à la capitale. Il semble que Picrochole en effet concentre quelques-uns de ces travers. Bien que légitimée dans sa fonction de roi par son hérédité à travers l'apposition tiers de ce nom sa deuxième caractéristique est la colère, exprimée par le courroux furieux qui lui est attribué. La redondance sémantique de cette expression introduit la démesure dans le personnage dépeint et dans la réaction de ce roi duquel toute la suite dépend. [...]
[...] Face à ce comportement, le discours des bergers de Gargantua page 220 se fait l'expression de la raison. Alors que les paysans de Lerné sont désignés par des verbes d'action en grand nombre, tels prindrent les champs guastans dissipans sans espargner emmenoient abastans vandangeans croullans faisoient dans une narration épique, les gens du pays de Gargantua sont caractérisés par le discours rapporté introduit par les suppliant Ainsi se construit l'opposition de la parole médiate et de l'action violente et immédiate, celle de la raison et de la bêtise également : le discours contient plusieurs arguments, tandis que les fouaciers ne sont en possession que d'une seule phrase qui répond à tout, mais empêche donc tout dialogue : appartenant au registre populaire, cette expression, apprendre [à quelqu'un] à manger de la fouace rappelle de plus le motif de la guerre et souligne la gratuité de leurs actes. [...]
[...] Il est par la suite assimilé au peuple de Lerné sous le pronom ils : les exactions commises pendant cette guerre indigne sont donc décidées par lui en partie, et ne sont pas le fait du peuple ignorant en furie, mais le roi s'y livre également ; la tyrannie violente que semble exercer Picrochole contamine son peuple, mais l'action semble être réciproque sans prévalence de l'un des membres face aux actions qui leur sont associées. Pourtant, si la violence commise est équitablement partagée, les éléments qui la permettent sont majoritairement le fait de Picrochole. Le début de ce chapitre se pense dans la continuité du précédent. [...]
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