Le Gargantua de Rabelais est un roman à la construction complexe et aux nombreuses ruptures et insertions, au sein d'épisodes majeurs, de pauses dans la progression du récit. C'est le cas au cœur de l'ensemble narratif de la guerre : Frère Jean, éloigné de Gargantua par les imprévus du champ de bataille, revient au château de Grandgousier en compagnie de cinq pèlerins qu'il a sauvés, et de Toucquedillon, soldat de Picrochole, prisonnier. Cependant que l'intrigue principale est la guerre, le récit ne s'attarde pas sur le prisonnier, dont les apports pourraient entraîner une progression, et ce chapitre XLIII se concentre sur les pèlerins. Ce passage est de plus caractérisé par l'absence d'adresse au lecteur du narrateur, dont l'omniprésence est pourtant une caractéristique du roman de Rabelais. Comment l'introduction des pèlerins dans le récit éclipse-t-elle le spectre de la guerre au profit d'une réflexion sur les croyances portée par Grandgousier et Frère Jean ? Comment l'absence du narrateur permet-elle l'installation d'une parole double défendant à la fois l'expression d'un idéal et celle du comique ?
[...] L'utilisation de cette métaphore appartient au mouvement d'exagération dans les répliques de Frère Jean, que l'on souligne dans l'expression aussi layde que Proserpine (ligne dont la syllabe finale reste significative, mais aussi dans l'utilisation du futur ligne 32 : elle aura qui a valeur de certitude et qui s'associe aux liens directs de cause à effet par puisqu'il y a et car (ligne 33 et 34, puis 36). La sentence finale est d'une grande exagération : car rien que l'ombre du clochier d'une abbaye est féconde (ligne 37). Elle associe l'atténuation de l'objet, par le biais de son ombre à des pouvoirs humains (ou agricoles), et dans le même temps fait du clochier une métaphore agrandissante d'un sexe masculin. [...]
[...] Platon avait cette valeur de référent, Rabelais suit donc le principe moteur de son temps. De même pour la référence à Homère. Néanmoins, dans le même temps, il le détourne à travers le personnage de Gargantua, qui cite Strabon et Pline pour appuyer le discours de Frère Jean, qui, on l'a vu, oscille entre le comique et le délire. Alors que Gargantua pouvait donner de la valeur au discours de Frère Jean, c'est ici celui de Frère Jean qui infirme l'intervention du prince, et rend la citation, pourtant référant aux auteurs antiques, obsolètes et ridicules. [...]
[...] Même si l'attachement aux pèlerins avant Toucquedillon correspond à la sociabilité qui caractérise Grandgousier et Gargantua, cette pause est au service d'une critique des fausses croyances, des pratiques religieuses, et de la naïveté sur un mode comique. Les pèlerins ont déjà été abordés au chapitre 38, c'est donc un thème qui se clôt sur ce sermon. Le détournement des règles d'écriture fait en sorte que ce ne soit pas une fin dogmatique, et laisse ouverte la réflexion tout en réactivant le thème de l'éducation et du savoir. [...]
[...] Etude du chapitre XLIII de Gargantua, de Rabelais Le Gargantua de Rabelais est un roman à la construction complexe et aux nombreuses ruptures et insertions, au sein d'épisodes majeurs, de pauses dans la progression du récit. C'est le cas au cœur de l'ensemble narratif de la guerre : Frère Jean, éloigné de Gargantua par les imprévus du champ de bataille, revient au château de Grandgousier en compagnie de cinq pèlerins qu'il a sauvés, et de Toucquedillon, soldat de Picrochole, prisonnier. [...]
[...] Il est en autre à noter que Frère Jean porte en lui-même des contradictions, puisqu'il jure à deux reprises : Cordieu ! (ligne 26) et par Dieu (ligne 32-33), et qu'il s'accorde de plus la possibilité d'attraper la vérole, maladie sexuellement transmissible, ce qui fait de lui l'équivalent des moines qu'il décrit (ligne et un personnage comique. Cependant, ces critiques, d'une part sérieuses, d'autre part comiques, trouvent un équivalent positif dans la reprise de parole de Grandgouvier : ce dernier n'est pas associé à la grossièreté, ni au comique. [...]
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