Etude analytique, Au lecteur, Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, complicité avec le lecteur, enfer, vision pessimiste, nature humaine
Recueil poétique de Charles Baudelaire (1821-1867), Les Fleurs du Mal fut publié à Paris en 1857. Il donna lieu à un procès en août 1857 pour « outrage à la morale religieuse » ainsi qu'à « la morale publique et aux bonnes mœurs ». Le poète fut condamné à 300 francs d'amende et à la suppression de six poèmes (qui seront publiés dans le Parnasse satyrique du 19e siècle, à Bruxelles, en 1864, avant d'être repris avec d'autres pièces de circonstance dans Les Épaves). Cette œuvre majeure fut lentement mûrie par Baudelaire qui, dès 1840, parle de ses « Fleurs singulières ». Il avait fait plusieurs fois annoncer dans des revues la parution de son recueil sous les titres suivants : les Lesbiennes puis les Limbes. Mais sur le conseil d'un ami, il y renonce. Le titre définitif, trouvaille qui est attribuée au critique littéraire Hippolyte Babou (1824-1878), repose sur l'oxymore que Charles Baudelaire a tenu à entretenir durant toute sa vie littéraire, Les Fleurs du Mal.
[...] Le poème constitue ainsi un exercice de lucidité mené par le poète et, après avoir évoqué tous les maux des hommes, cette apostrophe finale constitue une sorte de provocation. Baudelaire met ainsi toutes les chances de son côté pour que le lecteur devienne à ce moment un personnage de l'œuvre, établissant une relation de plus en plus proche tout au long du poème : d'abord nous et nos, puis semblable, puis frère (frère de sang, frère d'humanité et donc fraternité dans le Mal). [...]
[...] Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange Le sein martyrisé d'une antique catin, Nous volons au passage un plaisir clandestin 20 Que nous pressons bien fort comme une vieille orange. Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes, Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons, Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie, N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins Le canevas banal de nos piteux destins, C'est que notre âme, hélas n'est pas assez hardie. [...]
[...] Du reste, c'est lui qui introduira également le thème de la ville dans la section Tableaux parisiens du recueil. Toutes ces images révèlent au lecteur la vision du monde de Baudelaire. Préfigurant le symbolisme, elles font ressentir la souffrance du poète par la révélation qu'il a eue de Satan, du Diable ou de l'Ennui. Conclusion Véritable prologue, ce poème propose une vision pessimiste de l'homme éclairant le titre du recueil. Il annonce de nombreux thèmes qui y seront abordés : le Mal, le Spleen, la Mort et l'Ennui. [...]
[...] Il s'agit à l'époque d'un rapport extrêmement moderne. Loin de figurer pour plaire, le procédé est souligné par le ton de la provocation : le mot est ainsi à la coupe de l'hémistiche (Tu le connais, lecteur,/ce monstre délicat), créant une rime interne qui martèle le mot. Si initialement le nous semble concerner un quidam quelconque associé pour l'occasion au poète, le Tu fait prendre conscience au lecteur que le poème lui est directement adressé. Par ailleurs, la ponctuation du dernier vers est forte avec les tirets, signes qui ménagent des pauses mettant en valeur la gradation qui s'effectue : - Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère Censé le choquer et exciter son attention, le lecteur est traité d'hypocrite. [...]
[...] Il jette une grande part de misère en pâture au lecteur qui se voit confronté, en même temps que lui, aux réalités négatives de l'humanité. Un véritable compte rendu de la faiblesse humaine Confirmant la thématique du recueil, Baudelaire va versifier le Mal qui marque l'homme et ses humeurs noires, rejoignant là la vision de l'homme qu'avait Pascal, philosophe du XVIIe siècle : Que le cœur de l'homme est creux et plein d'ordures Ainsi, il va utiliser : - l'omniprésence du champ lexical du vice et du péché avec péché (vers lésine (vers péchés (vers lâches (vers Satan Trismégiste (vers Diable (vers Enfer (vers débauché (vers volons (vers Démons (vers viol (vers poison (vers poignard (vers vices (vers 32) et Ennui (vers 37). [...]
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