L'Étranger, Albert Camus, 1942, écriture neutre, Alger, Meursault, Arabe, Roland Barthes, style, roman, littérature classique, style littéraire, écrivain, style neutre, écriture minimaliste, style journalistique, littérature romanesque, non-style
L'Étranger est un roman révolutionnaire dans l'histoire littéraire française en raison de Roland Barthes qui fonde une théorie de l'écriture dans Le Degré zéro de l'écriture, en se reposant sur le texte de Camus. Sa thèse est celle d'une écriture neutre, d'un style de l'absence dans L'Étranger. Barthes parle de Camus comme de l'inventeur d'un nouveau style, d'une utopie appelée « écriture neutre ». L'Étranger de Camus est le modèle, pour Barthes, d'un style neutre. Barthes annonce, dans son livre, la présence d'un non-style dans L'Étranger. Il est alors paradoxal de parler de style dans l'œuvre de Camus. Mais la position de Barthes évolue et nous conduit à l'idée que le non-style n'est qu'une apparence. Le style de Camus est bien un style, mais il est un style de l'absence, un style neutre.
[...] C'est son désir de tranquillité qui guide son silence ici, il l'exprime clairement lors de son interrogatoire : « Comme toujours, quand j'ai envie de me débarrasser de quelqu'un que j'écoute à peine, j'ai eu l'air d'approuver ». Une autre raison au mutisme de Meursault est qu'il ne veut pas parler pour ne rien dire, Céleste le déclare lors du procès : « Il a reconnu seulement que je ne parlais pas pour ne rien dire ». En effet, pour le lui dire ne signifie rien. Un rapprochement est alors à faire entre la volonté stylistique de Camus et le non-dire de Meursault. [...]
[...] La voix de Camus est absente, il ne donne aucun commentaire ni analyse des drames qui se forment dans son texte. Aucun personnage n'est jugé par l'écrivain. Au lecteur de juger, de commenter ou d'analyser s'il le souhaite. Sartre écrit dans son article sur L'Étranger : « M. Camus propose seulement et ne s'inquiète pas de justifier ». Camus, par son souhait d'une objectivité grande, fournit des données brutes, sans plus. Blanchot parle également de cette absence d'émotivité dans le texte de Camus : « Si l'on regarde L'Étranger du dehors, il apparaît comme un livre d'où sont écartées toutes les explications psychologiques et où l'on entre dans l'âme des personnages en ignorant la nature de leurs sentiments et la qualité de leurs pensées ». [...]
[...] Cette question, maintes fois posée par la critique, suscite querelle. Il existe un flottement sur la dénomination exacte de L'Étranger dans un genre littéraire précis, l'œuvre est plus souvent qualifiée par la critique de récit. Un des arguments fondateurs de cette nomination est que le récit possède une tendance forte à s'écrire à la première personne. Et L'Étranger est effectivement écrit à la première personne contre le roman, qui, plus traditionnellement, se compose à la troisième personne. Le récit se caractérise ensuite dans l'acte de rapporter. [...]
[...] Le style si particulier de Camus, dans L'Étranger, entre en confrontation avec les attentes d'une littérature classique, ainsi que de celles du lecteur. En effet, Camus emploie une écriture « libérée de toute servitude à un ordre marqué du langage », il renonce volontairement à « l'élégance ou à l'ornementation[9] ». Les codes traditionnels de la littérature se définissent par un langage soutenu et un art d'écrire, ce qu'au contraire Camus refuse en utilisant un langage ordinaire, et en participant à l'idée d'une communication directe avec le lecteur, sans images, sans métaphores ou toutes autres figures de style. [...]
[...] Mais cette indépendance de la phrase donne lieu à une perte de suite logique dans le texte, l'absence de lien de causalité assombrit le texte : « Le ciel était vert, je me sentais content ». Les deux phrases sont ici placées l'une à côté de l'autre sans lien causal. C'est donc au lecteur de créer le lien de cause à effet. Sartre commente cette technique : « La phrase est nette, sans bavures, fermée sur soi ; elle est séparée de la phrase suivante par un néant [ . Entre chaque phrase et la suivante, le monde s'anéantit et renaît. Une phrase de L'Étranger, c'est une île ». [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture