Dans cette incipit à l'allure encore très moderne aujourd'hui, il sera intéressant de se pencher sur la spécificité de ce dernier et de voir en quoi cet incipit est le prélude à une nouvelle orientation dans l'Histoire littéraire du roman.
Tout d'abord, nous verrons en quoi cet incipit s'inscrit comme une transition dans l'Histoire littéraire du XVIIème. Par la suite nous étudierons le portrait du narrateur. Enfin, nous conclurons sur la façon dont Cyrano de Bergerac s'y prend pour tourner en dérision les thèmes forts de son siècle (...)
[...] La lune, est vecteur d'imagination et de rêve chez les personnages comme la phrase noyés dans ce grand astre le montre. En effet, l'emploi du verbe noyer signifie ici qu'ils se perdent dans la contemplation fascinante de ce grand astre une contemplation qui invite donc à l'imaginaire, au rêve mais aussi aux fantasmes. Les premières théories échafaudées par les protagonistes du groupe d'amis sont le reflet de suppositions invraisemblables, folles et surtout laissant à l'imagination une grande part : L'un s'écriait que cela pourrait bien être le Soleil lui même Au regard de la science du XVII ème siècle, une telle conception apparaît comme anachronique et dénuée de sens. [...]
[...] On notera l'emploi du verbe défrayer qui symbolise une certaine agitation typique des philosophes torturés de questions. Un procédé auquel Socrate avait souvent recours, c'est de laisser les autres donner leur avis avant de proposer sa propre théorie et c'est par ce même principe que fonctionne le narrateur : et moi, dis-je, qui souhaite mêler mes enthousiasmes aux vôtres L'analogie s'arrête là mais on ne peut pas s'empêcher de voir sous celle-ci une moquerie de la philosophie antique par Cyrano de Bergerac. [...]
[...] C'est d'autant plus intéressant ici que l'histoire est pour l'époque très singulière et si le lecteur est habitué à un récit à la première personne dans les romans comiques, il ignore encore tout de ce nouveau genre. Le récit à la première personne lui permettra de mieux se glisser dans l'aventure. Ainsi nous savons tout des sentiments du narrateur : cette pensée dont la hardiesse biaisait en mon humeur je demeurai gros je demeurai si surpris cela nous permet de suivre directement sa pensée. Par ailleurs, Cyrano de Bergerac donne de l'épaisseur à son héros et surtout inscrit l'histoire dans le sentiment du vrai. [...]
[...] Il inscrit donc cet incipit dans le genre de la science-fiction. Si ce texte appartient au genre de la science-fiction il n'est pas non plus totalement à part dans le paysage littéraire du XVII ème siècle. Il n'est pas le premier à avoir évoqué la lune dans un roman ou un voyage dans un autre monde, utopique : on pourra ainsi cité comme exemple le roman de Godwin, L'homme dans la lune ou Utopia de Thomas More. Cependant il est l'un des premiers français à s'illustrer dans le domaine. [...]
[...] Le fait qu'il se renseigne dans un livre montre son côté érudit et il joue également au scientifique lorsqu'il décide qu'il doit se rendre sur la lune pour prouver ses dires. C'est en quelque sorte faire une expérience pour illustrer sa théorie. Mais cet objectif, même s'il est sincère est parodié par l'évocation du mythe de Prométhée et donne à l'expérience un caractère absurde. Enfin le dialogue imaginaire avec lui-même est une image stéréotypé du scientifique qui se pose et répond lui même à ses propres questions, le faisant passer pour un savant fou. On notera enfin l'identification du personnage avec Cardan. [...]
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