Essais tome 1 chapitre 25, Montaigne 1580, De l'institution des enfants, conseils de pédagogie, individualisation de l'enseignement, expérience de la vie, Suétone, tradition humaniste, Renaissance, scolastique, confrontation à l'altérité, analyse de texte
Ce chapitre traite de l'instruction et du rapport aux auteurs anciens. Un destinataire est mentionné : "Madame Diane de Foix, Comtesse de Gurson".
Montaigne tente dans ce chapitre de faire preuve d'humilité et exprime une certaine impuissance : sa libido sciendi, sa soif de connaissance se voit déçue et frustrée parce qu'il se rend compte que depuis son enfance, il n'a fait qu'effleurer la surface du savoir. Il a pioché un peu dans chaque discipline sans rien approfondir. Certes, il n'a pas un si imposant bagage de connaissances, mais il maintient pour figures tutélaires de son savoir Plutarque et Sénèque. Il semble dire qu'il ne finit jamais de puiser dans leurs écrits quoi vivre et quoi penser.
[...] L'élève devra être curieux et observateur lors de son apprentissage de la vie en société : tout ce qu'il observera lui apprendra des choses. Apprendre sur les capacités d'un maçon ou d'un bouvier est utile, « car tout sert dans un ménage », de même qu'observer les déboires et la sottise des autres est instructif. Voyager doit aussi servir au déplacement du point de vue : Montaigne médite entre autres sur l'occultation de la vérité par le fait qu'à partir de sa propre situation, on extrapole au monde entier. [...]
[...] Apprendre à vivre est un processus à deux entrées : la première est l'entrée livresque. On apprend à vivre parce que l'on apprend comment les anciens menaient leur existence, l'expérience qu'ils en tirent et les enseignements qu'ils transmettent à partir d'elle : c'est ce que fait Suétone, qui entreprend de décrire une Vie des douze Césars. On apprend à vivre en lisant Sénèque et son traité sur la vie heureuse (De vita beata après etc. Mais on apprend aussi à vivre en allant de par le monde se frotter aux autres, en étant curieux de tout et en observant la vie se dérouler autour de soi. [...]
[...] Les humanistes tendent à renouveler le savoir en lui donnant un nouveau centre de gravité, l'Homme, et de nouvelles sources auxquelles s'abreuver, les auteurs antiques, pour la plupart païens. Les méthodes d'enseignement classiques, fondées sur la mémoire et l'enseignement collectif sont également contestées. Montaigne critique l'enseignement scolastique traditionnel, qui n'apprend pas aux enfants à se saisir du sens de ce qu'ils apprennent, tend à gaver la mémoire par un apprentissage par cœur (Montaigne utilise l'image évocatrice de l'entonnoir), et surtout, à transmettre des philosophies figées sous forme de dogmes. [...]
[...] En d'autres termes, pour bien instruire un élève, il faut mettre son intelligence en mouvement. Par conséquent, il ne faut pas faire d'abus d'autorité lorsqu'on enseigne : l'enfant doit demeurer actif, et non un réceptacle passif de pensées érigées en dogmes simplement parce que les hommes qui les ont émises ont été érigés en autorités. Montaigne entretient une distance critique avec ces autorités et valorise le choix entre les philosophies : un élève pourra choisir entre Aristote, Platon, ou Xénophon, ou encore emprunter chez ces trois auteurs et se bâtir une pensée personnelle. [...]
[...] Ces accès d'humilité sont, selon lui, ce qui le différencie du reste des écrivains de son temps, souvent sujet au pédantisme : ceux-là cherchent à se donner un air avantageux en citant les grands auteurs, sans s'apercevoir que cela les dessert, tant leur pensée apparaît terne au milieu des passages éclatants qu'ils ont empruntés aux anciens. Lui essaye, contrairement à d'autres, de ne pas dissimuler ses références : il livre ses pensées telles qu'il les croit, et ne désire pas être une autorité. L'authenticité (étymologiquement, ce dont on est l'auteur) prime sur le paraître. Montaigne s'adresse ensuite à Mme Diane de Foix, disant que l'éducation des enfants fait partie des choses les plus importantes et difficiles qui soient. Il s'autorise à livrer à la destinatrice du chapitre quelques conseils en matière de pédagogie. [...]
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