A la fin du XVème siècle, les européens mènent une série de conquêtes territoriales et découvrent le Nouveau Monde. Montaigne écrit dans le livre I des Essais, un chapitre intitulé "Des Cannibales", dans lequel il dénonce l'ethnocentrisme des colonialistes.
Il y fait également l'éloge de la Nature et y déprécie l'art. Dans un premier temps nous verrons comment l'auteur procède à la construction d'une nouvelle échelle de valeur puis nous verrons comment il parvient à faire entendre plusieurs voies dans un texte où pourtant le narrateur est unique (...)
[...] Le fragment poétique n'est en rien ornemental, il fait corps avec la réflexion . Il cristallise l'essai par l'expression nulla arte qui condense tout le propos de Montaigne. Convaincre ou persuader ? La poésie est un art, une création, quelquechose de travaillé comme le montre l'attention portée à la scansion (ici, un hexamètre dactylique et un pentamètre qui forment un distique élégiaque). C'est surtout une stratégie pour plaire au lecteur cultivé du XVIème siècle, charmé par la poésie et le chant. Montaigne cherche donc l'adhésion de son interlocuteur par sa sensibilité, ses sentiments. [...]
[...] L'adjectif barbare à ligne 2 ne se définit communément que par opposition à l'usage des européens. C'est un mot qui ne se définit que par antithèse à un autre : l'usage (ligne 2). Cela rappelle le sens qu'attribuaient les grecs au mot barbare tout ce qui n'est pas grec. La vision limitée des européens est démasquée par l'emploi de la négation restrictive à ligne 3 Comme de vray nous n'avons autre mire de la verité, et de la raison, que l'exemple et idée des opinions et usances du païs où nous sommes Ainsi tout est polarisé, d'un côté, le pays où l'on vit, de l'autre, les barbares. [...]
[...] Paradoxalement, pour Montaigne sauvage signifie dénaturé, alors que l'on associe communément ce terme à la nature. L'art pour Montaigne, le pouvoir de transformer la nature en autre chose ; c'est en ça que l'art est sauvage. Conclusion : Montaigne réinvente, ici, le sens des mots afin ce décentrer la vision du monde de ses contemporains et de les libérer de tout préjugé La critique de l'art L'art est ici à prendre au sens de culture. L'art est présenté comme une force néfaste et dévastatrice, il est même associé à la notion de corruption à la ligne 10. [...]
[...] Conclusion : Le discours indirect libre permet ici de critiquer l'ethnocentrisme de la doxa en mettant en scène ses propos L'insertion d'une citation de Properse, auteur latin élégiaque du Ier siècle Pour nourrir son propos, l'essayiste aime insérer de multiples références antiques. La citation choisie par Montaigne est tirée de la deuxième élégie du livre I des Elégies qui relate les amours d'ego, le narrateur ; ici épris d'une femme, Cinthia, à qui il reproche de trop se maquiller et s'apprêter et de vouloir plaire aux autres. Cette élégie est donc motivée par la jalousie et fait l'apologie du naturel. [...]
[...] Conclusion Montaigne dénonce l'art pour faire l'apologie de la nature. Le paradoxe consiste ici à s'inspirer d'un auteur élégiaque pour nourrir sa réflexion. Montaigne semble donc être un auteur ambigu, et son essai conserve une certaine opacité. Il cite Platon qui de la même manière est opposé à toute forme d'art, mais qui fait pourtant l'éloge d'Homère. L'écriture de Montaigne est mouvante, d'ailleurs la citation de Properse est une addition, ce qui poussera Jean Starobinsky à intituler une de ses œuvre Montaigne en mouvement. [...]
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