Nous allons étudier la structure du chapitre I du premier livre des essais de Montaigne. Ce premier chapitre constitue un préambule au texte, il ouvre le livre et représente et explique ainsi la manière dont Montaigne va aborder les Essais, en ce sens il est donc représentatif de l'ensemble de l'oeuvre de Montaigne, tant au niveau formel qu'au niveau des idées.
Ainsi, Montaigne va s'attacher à la question de l'homme, sujet principal de notre chapitre et de l'œuvre en général, auquel il va apporter une réflexion, le tout dans l'optique de parler des hommes pour parler de lui-même, credo et projet de son oeuvre développé dans la préface au lecteur et tout au long de son écriture.
Montaigne, bien qu'il se situe à la croisée de courants divers (des éléments peuvent être précurseurs du baroque (ex. : désordre du texte, désordre de la pensée de Montaigne) ou du classicisme (ex. : ordre recherché dans la structure et ses idées), est avant tout un écrivain ancré dans le courant humaniste de son époque.
Notre optique sera d'étudier l'ordre et le désordre comme reflets du texte et reflet de l'homme, à travers la structure et la matière du chapitre I.
L'ensemble de l'essai est présenté avec certitude, le lecteur ne remet pas naturellement en cause cet accumulation de connaissances laissant paraître une érudition marquée de la part de Montaigne, tout au moins une recherche approfondie. Il semble maîtriser son sujet, il ne laisse pas planer de doutes par des points de suspension, des hésitations.
[...] Puis, il argumente sur ce dernier avis et cela permet d'enchainer sur de nouveaux exemples où la bravoure a mené, plus facilement que la pitié, à la grâce. Cette réflexion structurée ouvre la voie à une pensée pleine de bon sens. La structure ordonnée sert une pensée logique, en la mettant en relief de la meilleure manière possible. Il y a donc une dynamique de l'ordre à l'oeuvre dans le fond comme dans la forme. Une pensée pleine de bon sens, puisque le titre suit un schéma logique moyen-but (au 1er abord) et que la thèse qui en découle dans le texte suit un schéma similaire: cause:conséquence : pitié et bravoure mènent à la grâce mais de façon différente B. [...]
[...] Mais il est parfois plus difficile pour le lecteur de se défaire du malaise provoqué par certains procédés d'argumentation utilisés dans le chapitre. C'est le cas des questions que Montaigne laisse en suspens. Il dit par exemple au sujet d'Alexandre confronté à la bravoure de Bétis : Serait-ce que la force de courage lui fut si naturelle et commune, que pour ne l'admirer point, il la respectât moins? ou qu'il l'estimât si proprement sienne qu'en cette hauteur il ne pût souffrir de la voir en un autre, sans le dépit d'une passion envieuse ? ou que l'impétuosité naturelle fût incapable d'opposition ? [...]
[...] De cette manière, Montaigne passe des hommes à un homme : lui. En outre, on observe que Montaigne ne se place pas dans les natures fortes, les braves qui apprécient la bravoure. Il se place avant tout comme un homme parmi les hommes, avec ses faiblesses, ne revendiquant pas la bravoure mais l'humanité, le naturel, l'authentique naturellement merveilleuse lâcheté Ainsi, on peut affirmer qu'en même temps que Montaigne pense les hommes, il se pense lui-même Montaigne élabore donc un texte à l'image des méandres de la pensée humaine, entre ordre et désordre, entre structure et libre cours de la pensée. [...]
[...] En outre, c'est une disposition courante, une démarche déductive Les exemples contribuent à la pertinence de la pensée de M. Les exemples sont ancrés dans l'histoire et la réalité. De nombreuses références culturelles sont faites, à des périodes de l'histoire, grands évènements guerriers entre empereurs et intérêts des peuples et gouvernements (antiquité avec les histoires respectives de Dionysos, Pélopidas et Epaminondas, Pompée, Sylla, Alexandre le grand/ moyen âge avec les histoires de Edouard de Scanderberch, Conrad divers pays sont impliqués (France, Albanie, empire romain germanique, Carthage, macédoine, en orient comme en occident). Sièges, guerres, procès . sont décrits. [...]
[...] En effet, Montaigne fait des ajouts relevant de sa vie alors qu'il est en train d'écrire. Il dit au sujet de la braverie et de la soumission : L'un et l'autre de ces deux moyens m'emporteraient aisément : car j'ai une merveilleuse lâcheté vers la miséricorde et mansuétude : Tant y qu'à mon avis, je serais pour me rendre plus naturellement à la compassion, qu'à l'estimation. Ainsi, Montaigne n'hésite pas à donner un avis qui fait mouche à la suite d'une accumulation d'exemples. [...]
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