Génial démiurge, écrivain polymorphe du romantisme, Théophile Gautier développe le motif du poète incompris dans les miasmes du monde qui le vicient dans son œuvre ample et littéraire. Dans le poème « Le pin des Landes », issu de son recueil poétique España, le poète s'immisce dans les atermoiements du cœur du pin landais, métaphore subtile de la condition du poète, annihilé par les hommes qui épuisent son essor. Ainsi, Gautier tisse avec maestria une analogie qui conditionne le poème : si le poète est la personnification du pin landais, cette métaphore érige le poète en victime sacrificielle qui offre, mais ne reçoit pass.
Derrière cette analogie s'abrite la figure du poète isolé, dont la souffrance et les bourrèlements suscitent l'émergence d'une poétique tourmentée et rare. Ainsi, si le poème, à travers la métaphore du pin, construit progressivement une image tiraillée du poète, il fixe également sa souffrance, douleur de laquelle naît la poésie, qui jaillit des limbes d'une conscience évincée.
[...] Alors, le poète, à travers la métaphore du pin, s'élève au rang de martyr ou de Saint, subissant les bourrèlements des autres hommes. Dès lors le second quatrain s'impose comme la permanence d'un cri aux douloureux accents pathétiques, ce que confirme l'exclamation du vers vers duquel émane une douleur paroxystique. Même si Gautier ne donne pas une image trop sordide de la souffrance du poète, elle procède vraisemblablement de la turpitude d'autres hommes : ainsi le vers avec sa construction syntaxique un peu lourde, embarrassée, inversion poétique presque archaïque –précise que l'on entend les cris du poète dans les Landes désertes (vers 1). [...]
[...] Ainsi, si le poème, à travers la métaphore du pin, construit progressivement une image tiraillée du poète, il fixe également sa souffrance, douleur de laquelle naît la poésie, qui jaillit des limbes d'une conscience évincée. [I. Le poème construit progressivement une image du poète] Au fil du poème, Gautier file avec maestria une métaphore du poète, métaphore qui institue cette figure littéraire en homme hors des hommes, allégorie qui situe le poète dans les sphères baudelairiennes célestes. En premier lieu, il convient de noter combien le poème s'ouvre avec subtilité sur une peinture d'un paysage de pins, peinture qui pourrait au premier abord sembler idyllique. [...]
[...] Ainsi, l'on perçoit clairement que c'est le pin qui occupe la place centrale du quatrain. Par ailleurs, tandis que l'on s'apprêterait à la fin de la strophe à découvrir la description d'un paysage agreste des forêts des Landes, nous notons plutôt que s'ébauche au fil des deux quatrains centraux la comparaison allégorique entre le pin landais et le poète romantique. Progressivement, force est de constater que dans les deux quatrains suivants, le pin des Landes se personnifie et acquiert alors une certaine forme d'humanité, humanité qui se lit en filigrane à travers les expressions usitées dans le poème. [...]
[...] Si l'on en croit les trois vers initiaux, s'esquisse une signalée peinture pittoresque des Landes surgi[t] (v. le pin (v. 1). Ainsi, ces trois premiers vers sonnent la description d'un lieu bucolique où l'herbe sèche (v. côtoie la magnificence d'étendues lacustres, ce que signale l'expression flaques d'eau ; la figure de l'hypotypose donne à voir ce déploiement du paysage landais, figure suggérée par le verbe de perception voit lancé en tête du premier quatrain, ce qui témoigne d'une authentique restitution des Landes, paradis sylvestre s'il en est. [...]
[...] Souffrance et poésie] Rapidement, il apparaît évident que la comparaison du poète avec le pin des Landes permet d'insister sur la douloureuse souffrance qui pantèle le poète. Ainsi, se détache le lexique de la vulnérabilité, de la blessure, ce que signalent les termes plaie au flanc large sillon blessure entaille profonde qui traversent le poème et qui sont mis en valeur à la rime, comme pour marteler l'intensité des affronts endurés. Parallèlement, le champ lexical de la mort qui reflète l'agonie du pin émaille le poème, comme pour corroborer la précarité de la vie du poète souffrant : bourreau assassine sang mourir sont les âcres affres qu'il doit essuyer au quotidien. [...]
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