Nombreux sont les auteurs qui ont, au cours des siècles, écrit au sujet de la traite négrière et de l'esclavage, parfois pour dénoncer les agissements des blancs, ou bien simplement pour offrir un témoignage historique de ce qu' ont pu être les conditions d'existence des hommes noirs depuis le début du XVIIe siècle jusqu'à la moitié du XIXe siècle. "L'esclave vieil homme et le molosse", roman publié en 1997, présente une vision quelque peu différente.
En effet, Patrick Chamoiseau, qui s'inscrit dans le mouvement de la créolité, n'a pas souhaité en faire un récit purement historique, mais a choisi de prendre pour thème le traitement de l'esclave fugitif. Par le fait même que ce texte vient après une série de romans sur le marronnage, il est à noter une intertextualité importante, dans le sens où il renvoie à d'autres textes, et ce, pour diverses raisons. La diversité se retrouve également dans le fait qu'il mêle différents genres littéraires. À travers ce court récit, il ressuscite le personnage du marron, et donne à ses lecteurs de nouveaux horizons d'interprétation.
[...] Tout comme le molosse, il suscite l'effroi par son aspect terrifiant. Il présente également des pouvoirs surnaturels, puisqu'il est capable de réveiller les trépassés Outre le chien, d'autres créatures magiques apparaissent comme les goules, les ogres, les chimères, les bêtes à sept têtes ou les dragons. C'est donc toute une peinture de l'univers surnaturel et mythique qui est donnée à voir. Enfin, la notion d'intertextualité semble occuper une place prépondérante au sein de ce roman. Dans son récit, l'auteur fait partager ce qu'on lui a raconté ou ce qu'il a pu lire dans des romans écrits précédemment, donc proposant déjà une représentation de l'esclave fugitif et du marronnage, par l'expression soucieux de ma parole, je ne saurais aller qu'en un rythme léger flottant sur leurs musiques Il réalise ainsi des références à d'autres auteurs, notamment en insérant des citations : on a par exemple l'entre-dire d'Edouard Glissant. [...]
[...] Ainsi, le vieil homme a appris l'histoire des peuples noirs et leur souffrance de la bouche d'un vieux Caraïbe : ce dernier incarne donc la voix d'un passé. Cette narration bouleverse profondément l'esclave vieil homme, qui ressent cela comme des mondes qui se meurent au fond de lui Son âme est animée de profonds troubles. La force de la Parole apparaît alors clairement, d'autant plus que l'auteur y accorde une majuscule. Cela renvoie donc à l'aspect mythique des veillées présentes au sein des communautés noires. [...]
[...] Il refuse l'idée d'un processus d'héroïsation de son personnage principal, à savoir l'esclave vieil homme, même si elle se réalise malgré tout. On peut par ailleurs noter l'insertion au sein du récit d'un processus de déréalisation. Le récit passe pour non historique même s'il y a des références à d'autres romans. Cet éloignement de la réalité passe tout d'abord par l'emploi de mots inventés, parfois avec un aspect culturel traditionnel, avec des allusions à la culture créole et à la langue traditionnelle. [...]
[...] On peut le voir par la présence d'oxymores tels que clartés lunaires et d'obscurité pleine ; joue du tambour sans en jouer ; il s'anime dans la danse en restant immobile ; le vieil homme écoutait ces contes sans entendre, comprenait sans comprendre ; j'écoutai le silence Ces différents paradoxes illustrent la confusion qui opère dans l'esprit du vieil homme esclave. Il est profondément troublé. En conclusion, l'on peut affirmer que L'Esclave vieil homme et le molosse, roman réalisé par Patrick Chamoiseau, présente une double dimension de la notion de marronnage. [...]
[...] Elle est une protection pour l'homme qui a foi en elle. Il prend conscience de sa condition d'homme, et veut rendre justice à tous les esclaves maintenant qu'il a connaissance de leur histoire passée. Le récit propose une dimension psychologique assez importante concernant le vieil homme. En effet, l'esclave vieil homme entretient un rapport particulier/privilégié avec la nature. Alors qu'il s'enfuit, il prend conscience de son identité, de son unité grâce au contact avec la nature. Elle est omniprésente. Elle lui est essentielle. [...]
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