Clément Marot a été longtemps connu, à cause ou grâce à Boileau, comme le poète de « l'élégant badinage », mais son génie ne se résume pas à cela. Ce fut un poète innovateur ; à travers l'étude de son poème satirique "L'Enfer", on montrera comment il osa critiquer durement le système juridique de son époque, la Sorbonne, et l'Eglise. La publication de ce poème par Étienne Dolet, parmi d'autres causes, nourrit la haine déjà existante chez les juges et la Sorbonne, et provoquera sa mort dans l'exil.
"L'Enfer" figurait sous le nom générique "Opuscule". À cette époque les poètes classaient sous cette rubrique les pièces un peu développées, en général en rimes plates, qui ne rentraient dans aucun genre déterminé. Sous ce nom générique se trouvent classés, dans les oeuvres de Marot, des poèmes allégoriques et des traductions. Pourtant, "L'Enfer" est presque une épître, car, à plusieurs reprises, Marot s'adresse à ses amis, à ses "très chers frères" pour leur faire savoir tout ce qu'il a vu dans ce terrible Châtelet.
On a toujours classé L'Enfer dans le genre satirique, mais selon Charles E. Kinch, ce poème comporte aussi beaucoup d'éléments étrangers à la satire. Marot insère dans ce poème des exhortations morales. Il invite les jeunes gens à se bien conduire : il exhorte tous ces enfants « suyvants maulvaise vie » à « vivre en façon estimée » (v.289-302).
Dans ce poème apparaît de temps à autre sa fierté d'être poète, protégé de « Juppiter » et de Pallas, sa soeur, en relation avec les divinités champêtres « cogneu des plus haults Dieux » de la mer, et des neuf Muses. Il adresse aussi des louanges à François I, père des « lettres et Lettrez » et à Marguerite « du franc lys l'yssue ».
Marot évoque, au cours de son interrogatoire, son pays natal (v.377-394) dans un passage plein de couleur et de lumière qui forme un contraste avec cet Enfer sordide. Ce passage fournit des détails biographiques très importants sur la vie du poète, et on y trouve quelques allusions à des faits d'actualité (Marguerite et Louise de Savoie sont parties en Espagne négocier la libération de François I).
La satire se trouve dans la description du Palais de Justice et des gens qui y habitent, du Châtelet, des serpents-procès. Après avoir décrit ce monde, Marot nous trace le portrait du juge d'instruction : ses paroles, ses ruses pour faire parler les inculpés, sa feinte douceur. Après lui, c'est le greffier qui double tout ce qui est favorable à l'accusation, de telle sorte qu'on a l'impression que tous ces gens sont nourris de cruauté et ne cherchent qu'à perdre les prisonniers.
[...] C'est à Marot que revient l'honneur d'avoir, le premier, élevé la voix contre la torture, il est sans doute le premier, en France, à condamner l'obscurantisme, à protester contre la censure et à réclamer la liberté de conscience. Marot a su allier, au plus haut degré, l'élégance, l'esprit et le charme au courage, à la responsabilité d'écrivain, à l'humanité Bibliographie et sitographie GUY, Henry, Histoire de la poésie française au XVIe siècle, Vol.2, Champion, Paris MAYER, C.A., Clément Marot, Ed. Pierre Seghers, Paris MAROT, Clément, Poésies choisies, Larousse, Paris YLLERA, A., BENOIT, C. [...]
[...] Biographie (1496-1544) Fils du poète Jean Marot, Clément Marot nait à Cahors en 1496. Étudiant médiocre, il rentre au service de Nicolas de Neufville, secrétaire de Louis XII, en 1514, en qualité de page. Ses premiers pas poétiques sont précoces : à partir de cette date, il compose un poème allégorique qui suit le style du Roman de la Rose, Le Temple de Cupidon, pour les futurs rois de France, Claude de France et François d'Angoulême (François I). À cette période correspondent aussi deux épîtres, L'Épître à Maguelonne et L'Épître au dépourvu. [...]
[...] Le griffon hostile à Marot, écrit dans son livre : [ . ] ce qui pouvoit duyre A leur propos pour me fascher & nuyre (v.457-458) Rhadamante se lève, la séance est terminée. Marot est ramené en prison avec tous les malheureux (v.485) ; il y séjourne un temps fasché d'ennuy, consolé d'espérance (v.488) Le grand chatelêt de Paris En 1190, on établit au Châtelet le siège de la juridiction de la prévôté de Paris chargée de la police et de la justice criminelle, comprenant prisons et salles de torture ou s'appliquait la question Après avoir jugé les premiers accusés de crime de lèse-nation, la cour de justice du Châtelet fut supprimée par la loi votée le 25 août 1790. [...]
[...] Il parle aussi de Luna diverse et variable (v.324). Son propre nom et son prénom l'amènent à certains rapprochements, d'une part avec le nom du pape de l'époque, qui était Clément VII, d'autre part avec celui de Virgile, Virgilius Maro. Après avoir parlé d'un Mécène, Marot se félicite que le froid vent d'ignorance et sa tourbe ne flétrisse plus le beau verger des lettres plantureux (v.368), car avec François I sont entrés les lettres et les Lettrez (v.376). Marot évoque ensuite son pays natal, Cahors en Quercy, baigné par le Lot qui coule à ses pieds : Entends après (quant au poinct de mon estre) Que vers Midy les haultz Dieux m'ont faict naistre : Où le solril non trop excessif est : Parquoy la terre avec honneur s'y vest De mille fruictz, de mainte fleur et plante : Bacchus aussi sa bonne vigne y plante, Par art subtil, sur montaignes pierreuses, Rendants liqueurs fortes et savoureuses (v.377-384) Emmené en France à l'âge de dix ans, il nous apprend comment il a oublié sa langue maternelle, le patois quercynois, pour apprendre la paternelle langue françoyse, es grands Courtz estimée (v.402-403). [...]
[...] Puisque le Châtelet est comparé à l'Enfer, il s'ensuit que dans la description de la prison, les différents officiers de justice se trouvent mis en scène comme juges d'enfer. Sous le voile de l'allégorie nous voyons se préciser les caractères de la satire marotique. Tout d'abord il faut remarquer que Marot a une prédilection pour l'ironie. On le voit par exemple dans la description faite par le guide des faubourgs de l'Enfer. Il avoue au poète que ce mestier est si anormal, qu'il faut expres qu'il commence par mal (v.70). [...]
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