Passion émotion Manon Lescaut Prévost
« Rousseau vit que malgré des imprudences et des étourderies, une héroïne pouvait prétendre encore à nous attendrir, et peut-être n'eussions-nous jamais eu Julie, sans Manon-Lescaut. » Une telle progéniture n'est pas sans gloire, et le roman de l'abbé Prévost trouve dans ce jugement de Sade un chef d'intérêt supplémentaire. C'est dans l'attendrissement que suscite Manon qu'il faut sans doute chercher la source du succès et partant, de la postérité de cette oeuvre.
L'émotion tient donc un rôle capital dans l'Histoire du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut, écrite en 1731, comme le confirme ce jugement de Jean Sgard : « L'unité et la force du récit lui viennent essentiellement de l'affirmation d'une passion. ». C'est l'une des raisons pour lesquelles ce roman est révélateur de son époque, et contribue à la façonner. La problématique des passions, dans leur valence morale et leur rapport à la raison, est éternelle. Mais elle a vu le jour à nouveau au siècle de Louis XIV , et continue de s'épanouir au temps des Lumières.
Il est donc pertinent d'interroger l'approche de l'abbé Prévost, pour saisir comment il se positionne, et quels sont ses apports au débat. Le lecteur est mis sur la piste par l' « avis de l'auteur des Mémoires d'un homme de qualité », dans lequel on apprend le dessein que l'auteur exprime ainsi : « On y trouvera peu d'événements qui ne puissent servir à l'instruction des moeurs ».
La raison pour laquelle sont décrites les passions dans Manon Lescaut est donc présentée comme un but pratique. Il s'agit de rendre meilleur le lecteur. Mais cette affirmation est problématique, compte tenu de l'anthropologie qui ressort dans le roman lui-même. En effet, d'une part, dans le texte introductif, on affirme qu'en montrant le châtiment de la faute, le malheur qui suit le mal sera évité chez le lecteur, et d'autre part, la constante leçon qui transparaît à la lecture du roman, est cette incapacité de la raison à maîtriser les émotions. Donc, par la représentation de l'émotion comme maîtresse de la raison ou du moins comme libre de son influence, le lecteur est appelé à faire dominer la raison sur l'émotion, ce qui est paradoxal. En d'autres termes, l'abbé Prévost présente comme une leçon de morale qui a pour but de faire vivre les lecteurs selon la raison un ouvrage qui démontre qu'il est impossible de ne pas vivre selon ses passions. Manon Lescaut semble donc être un traité de morale qui décrète impossible la vie morale. Le texte se décrédibilise lui-même, il implose.
[...] Dans sa peinture des émotions, l'abbé Prévost joue sur un double rapport. Il faut donc se pencher et sur la relation de l'émotion à la raison, et sur son rapport à la religion. Manon Lescaut est un roman qui peint les effets d'une passion violente qui rend la raison inutile selon le jugement porté sur l'œuvre par un article du journal Pour et contre[7]. D'emblée, la nature du rapport est présentée comme conflictuelle, ce qui, somme toute, est assez évident au premier abord : le moyen de bâtir un roman sur des personnages dont les passions sont harmonieusement coordonnées avec la raison ? [...]
[...] Etudes littéraires p 66. p p p p p p p pp. 73-79. p Ibid. p Par exemple p où il est question de fatale tendresse p p p p p Pour et contre avril 1734, cité dans le dossier, p. 358-359. Ibid., p C'est le thème à la mode (dont se saisit notamment Marivaux dans Arlequin poli par l'amour) de l'amour qui éclaire. [...]
[...] La problématique des passions, dans leur valence morale et leur rapport à la raison, est éternelle. Mais elle a vu le jour à nouveau au siècle de Louis XIV[3], et continue de s'épanouir au temps des Lumières. Il est donc pertinent d'interroger l'approche de l'abbé Prévost, pour saisir comment il se positionne, et quels sont ses apports au débat. Le lecteur est mis sur la piste par l' avis de l'auteur des Mémoires d'un homme de qualité[4] dans lequel on apprend le dessein que l'auteur exprime ainsi[5] : On y trouvera peu d'événements qui ne puissent servir à l'instruction des moeurs[6] La raison pour laquelle sont décrites les passions dans Manon Lescaut est donc présentée comme un but pratique. [...]
[...] (Introduction de Jean Sgard) Ouvrages cités : Jean Sgard, L'abbé Prévost, Labyrinthes de la Mémoire, Paris, Puf p. Alan J. Singerman, L'abbé Prévost, l'amour et la morale, Genève, Droz p. Sylviane Albertan-Coppola, Abbé Prévost, Manon Lescaut, Paris, Puf, coll. Etudes littéraires p. Jenny Mander, La Narration à la première personne et la perspective subjective ddans l'écriture de l'abbé Prévost in L'Abbé Prévost au tournant du siècle, présenté par Richard, A. Francis et Jean Mainil, Oxford, Voltaire Foundation p. [...]
[...] p p p Jenny Mander, La Narration à la première personne et la perspective subjective ddans l'écriture de l'abbé Prévost in L'Abbé Prévost au tournant du siècle, présenté par Richard, A. Francis et Jean Mainil, Oxford, Voltaire Foundation p Le Silence de Manon, Paris, Puf, Le texte rêve p Rigoley de Juvigny, cité dans le dossier, p p p R. Mauzi, L'idée du bonheur au XVIIIe siècle, Paris, Colin p 451. Lettre du 28 décembre 1735. [...]
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