Même si Nana n'est pas une bergère, cet extrait n'est pas sans rappeler la littérature pastorale. Si la pastorale est un thème littéraire datant de l'Antiquité et évoquant une forme d'harmonie originelle entre l'homme et la nature, il faut rappeler ici qu'il était particulièrement en faveur dans la peinture française aux XVIIème et XVIIIème siècles. Vu la position de ce chapitre dans le roman, il est certain que Zola joue avec l'attente du lecteur qui sait le séjour à la campagne inéluctable dans l'histoire d'une fille comme Nana (...)
[...] C'était une paix souveraine, un élargissement du vallon s'ouvrant sur l'immensité de la plaine, où les arbres faisaient des îlots d'ombre, dans le lac immobile des clartés. Et Nana s'attendrissait, se sentait redevenir petite. Pour sûr, elle avait rêvé des nuits pareilles, à une époque de sa vie qu'elle ne se rappelait plus. Tout ce qui lui arrivait depuis sa 105 descente de wagon, cette campagne si grande, ces herbes qui sentaient fort, cette maison, ces légumes, tout ça la bouleversait, au point qu'elle croyait avoir quitté Paris depuis vingt ans. Son existence d'hier était loin. [...]
[...] Elle était toute rouge. Personne ne pouvait la voir pourtant ; la chambre s'emplissait de nuit derrière eux, tandis que la campagne déroulait le silence et l'immobilité de sa solitude. Jamais elle n'avait eu une pareille honte. Peu à peu, elle se sentait sans force, malgré sa gêne et ses révoltes. Ce déguisement, cette chemise de femme et ce peignoir la faisaient rire encore. C'était comme une amie qui la taquinait - Oh ! c'est mal, c'est mal, balbutia-t-elle, après un dernier effort. [...]
[...] Elle l'entraînait vers la maison, elle parlait de faire un grand feu. - Tu sais, murmura-t-il en l'arrêtant dans l'ombre, je me cachais, parce que j'avais peur d'être grondé comme à Paris, quand je vais te voir sans être attendu. Elle se mit à rire, sans répondre, et lui posa un baiser sur le front. Jusqu'à ce jour, elle 35 l'avait traité en gamin, ne prenant pas ses déclarations au sérieux, s'amusant de lui comme d'un petit homme sans conséquence. [...]
[...] Là-dedans, il semblait une fille, avec ses deux bras nus de jeune blond, avec ses cheveux fauves encore mouillés, qui roulaient dans son cou. - C'est qu'il est aussi mince que moi ! dit Nana en le prenant par la taille. Zoé, viens donc voir comme ça lui va Hein ! c'est fait pour lui ; à part le corsage, qui est 60 trop large Il n'en a pas autant que moi, ce pauvre Zizi. - Ah ! bien sûr, ça me manque un peu, murmura Georges, souriant. [...]
[...] D'ailleurs, les vêtements séchaient mal, Zoé déclarait qu'il faudrait au moins une heure encore ; et comme elle dormait debout, fatiguée du voyage, ils l'envoyèrent se coucher. Alors, ils restèrent seuls, dans la maison muette. Ce fut une soirée très douce. Le feu se mourait en braise, on étouffait un peu dans la 95 grande chambre bleue, où Zoé avait fait le lit avant de monter. Nana, prise par la grosse chaleur, se leva pour ouvrir un instant la fenêtre. [...]
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