Dans l'édition de 1858, Théophile Gautier clôt son recueil "Emaux et camées" par le poème "L'art". Ce texte présente un double intérêt : placé en fin de recueil, il éclaire a posteriori tous les précédents; mais "L'Art" représente encore le credo parnassien et témoigne d'une certaine conception de la poésie ayant pour idéal la beauté formelle.
Le trait le plus frappant de ce poème sur l'écriture poétique est la référence constante à une autre forme artistique : les arts plastiques, qu'il s'agisse de la sculpture ou de la peinture. Un tel choix révèle déjà la conception que Gautier se fait de la beauté : celle d'une beauté formelle où domine le goût de la matière (utilisation de matériaux précieux) et des lignes parfaites.
[...] "Émaux et camées", Théophile Gautier (1858) - "L'art" Poème L'art Oui, l'oeuvre sort plus belle D'une forme au travail Rebelle, Vers, marbre, onyx, émail. Point de contraintes fausses ! Mais que pour marcher droit Tu chausses, Muse, un cothurne étroit. Fi du rythme commode, Comme un soulier trop grand, Du mode Que tout pied quitte et prend ! Statuaire, repousse L'argile que pétrit Le pouce Quand flotte ailleurs l'esprit : Lutte avec le carrare, Avec le paros dur Et rare, Gardiens du contour pur ; Emprunte à Syracuse Son bronze où fermement S'accuse Le trait fier et charmant ; D'une main délicate Poursuis dans un filon D'agate Le profil d'Apollon. [...]
[...] De plus, Gautier s'adresse non au poète, mais au "statuaire" (v. 13) (c'est-à-dire au sculpteur) et au "peintre" (v. 29). Lorsqu'il évoque la tâche de l'artiste, il mêle le vers et la matière ("Vers, marbre, onyx, émail", v. dans une confusion bien révélatrice. Gautier fait toujours allusion à des matériaux durs et précieux : "marbre" (v. d'Italie carrare", v. 17) ou de Grèce paros", v. 18) ; pierre fine comme l'"onyx" (v. ou l'"agate" (v. 27) ; alliages durs et résistants comme le "bronze" (v. [...]
[...] Les mots "rebelle" (v. et "lutte" (v. 17) évoquent bien ce combat de l'artiste. Renonçant à la facilité, celui-ci devra rejeter une matière trop malléable comme "l'argile" (v. 14). En effet, seuls des matériaux solides carrare" v et "le paros dur" v. 18) mettent en valeur la pureté des lignes. Ils sont les "gardiens du contour pur" (v. 20). Les verbes "sculpte, lime, cisèle" (v. 53) évoquent un travail minutieux. L'artiste va privilégier des sujets restreints : "profil" (v. "buste" (v. [...]
[...] La première strophe pose le thème, à savoir qu'il n'y a pas d'art sans une création difficile. Les neuf strophes suivantes (st à 10) développent cette idée en insistant sur la nécessité des contraintes dans l'art. Enfin, les quatre dernières strophes (st à 14) rappellent l'importance de la beauté pour les parnassiens. La démarche du poète est soulignée par une forte structure syntaxique. L'attaque du poème se fait sur une affirmation : "Oui, l'oeuvre sort plus belle". Gautier énonce d'emblée sa conviction qu'il étaye dans les deux strophes suivantes par une double négation : "point de . [...]
[...] Mais ce poème a aussi valeur de manifeste. Examinons maintenant ce qui a engendré et justifié la doctrine parnassienne et le rôle que Gautier attribue à la beauté. III) La grandeur de l'art La doctrine de l'art pour l'art est avant tout une réaction contre la poésie romantique. En faisant l'éloge de la difficulté, Gautier critique implicitement la négligence de la forme chez certains romantiques. L'aspect parfois facile de la poésie lyrique est rejeté avec véhémence : "Fi du rythme commode, comme un soulier trop grand." (v. [...]
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