Commentaire du court poème de Paul Eluard, "Ma morte vivante".
[...] "Ma morte vivante" est un poème du désarroi, mais aussi un poème du souvenir, ou plutôt un poème qui célèbre un amour vu comme une union parfaite avec la femme aimée, mais aussi comme un rapport harmonieux avec le monde. Cette perte semble d'abord inacceptable, et le poème l'évoque comme un paradoxe, en entrelaaçant étroitement l'expression de la souffrance et les images du bonheur perdu. Mais le poète parvient enfin, par ses choix d'écriture, à rendre compte de la séparation, et cette écriture lui permet de rétablir des liens avec le monde, et de manifester sa fidélité à l'amour qu'il a vécu. [...]
[...] Le monde est desormais désenchanté, désorienté, "il n'y a plus de routes" (v. 13). La partie centrale du poème met en évidence l'ampleur de 1a perte subie par le poète en rappelant le bonheur passé. c'est-à-dire le bonheur amoureux, tout comme le bonheur d'être au monde. Ren- due plus douloureuse par ce rappel, la solitude engendre la tentation de renoncer à vivre. La signification du désespoir, (évoquée ici dès le début du poême apparaît désormais clairement: en perdant son épouse, le poète a tout perdu et le rapport harmonieux qu'il vivait avec le monde a disparu. [...]
[...] Ces vers sont pourtant libres, et le poète aurait pu choisir des mètres plus longs; mais les vers choisis et la disposition de: mots dans ces vers semblent montrer que le poète a pris conscience du fait que l'union amoureu- se appartient désormais au passé, qu'elle ne peut être évoquée désormais qu'au passé composé ou à l'imparfait: " Ma vie en ton pouvoir/Que j'ai crue infinie" - 18) ; "J'étais si près de toi" (v.21). La vie présente d'Eluard est dénuée de cette chaleur vivante qu'apportait Nusch froid près des autres") . dans ce vers le jeu des sonorités(répétition de "près assonances en et ) souligne les différences de deux situations apparemment semblables. [...]
[...] " rien n'est en mouvement" (v. " ils n'avance- ront plus". (v. et tous évoquent une dégradation. Le bonheur vécu dans le passé n'est plus qu'un souvenir torturant et le monde semble désormais indifférent : le monde extérieur semble alors disparaître de la conscience du poète et du poême lui-même qui ni donne de l'avenir qu'une image morbide: "Et l'avenir mon seul espoir c'est mon tombeau/pareil au tien cerné d'un monde indiffé- rent" -20). Le seul espoir semble désormais de rejoindre Nusch dans la mort, cette union continuant celle que les deux époux ont vécue naguère. [...]
[...] Paul Eluard "Ma morte vivante" En 1947, le poète Paul Eluard fit paraître un recueil intitulé Le Temps déborde, dans lequel figurait un court poème en vers libres, "Ma morte vivante". Ce texte, ici soumis à notre étude, évoque la mort prématurée de Nusch, la jeune épouse du poète, mais surtout le désespoir de ce dernier et sa nostalgie du bonheur perdu. Ces thèmes ont déjà été traités par les poètes lyriques des siècles passés comme Ronsard par exemple ; nous verrons comment Eluard les renouvelle par le moyen d'une écriture simple, mais qui parvient à suggérer toute la gravité de cette perte. [...]
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