Gustave Flaubert a quinze ans, en 1836, lorsqu'il rencontre, sur la plage de Trouville, la belle Élisa Schlesinger, épouse d'un éditeur de musique. Ainsi, débute une longue passion impossible, nourrie d'exaltations littéraires, qui retentira sur l'ensemble de son œuvre. « Ce fut comme une apparition » : par cette phrase devenue célèbre, l'auteur de "L'éducation sentimentale" inaugure, au début du roman paru en 1869, la rencontre entre Frédéric Moreau et l'épouse du sieur Arnoux. Le jeune héros, âgé de dix-huit ans, s'est embarqué, à Paris, sur le navire la Ville-de-Montereau, afin de retourner à Nogent-sur-Seine, son baccalauréat en poche, pour y attendre le début de se études de droit.
Ce récit d'une rencontre amoureuse offre à Flaubert l'occasion de transposer sur un mode littéraire sa propre rencontre avec Elisa. Il a cependant plus de quarante ans lorsqu'il rédige la scène, et il nous livre alors le regard amusé de l'homme mûr sur le jeune adolescent romantique qu'il fut jadis.
Le lecteur peut ainsi apprécier l'extrait à plusieurs niveaux : derrière le portrait idéalisé de Madame Arnoux, l'auteur nous propose un portrait indirect de Frédéric, puisque c'est de son point de vue que la scène est narrée. Flaubert lui-même, malgré cette distanciation voulue, se révèle entre les lignes, orientant nos attentes concernant la suite du roman.
[...] Tous ces éléments narratifs font ainsi de la rencontre de Frédéric Moreau et de Madame Arnoux un modèle parmi les innombrables scènes de première vue que nous offre la littérature. Cependant Flaubert insiste particulièrement sur la beauté de la femme aimée, dont il nous livre un portrait fortement idéalisé : le ton est donné dès la première ligne de l'extrait, constituant à elle seule un paragraphe Ce fut comme une apparition Cette courte phrase, qui assimile Madame Arnoux à une madone grâce à la connotation religieuse du dernier mot, est suivie de deux points, ce qui laisse entendre que la suite du récit n'en sera que l'explicitation. [...]
[...] On ne peut en effet que s'étonner, de la part de Flaubert, d'un si grand respect des conventions littéraires ! Que signifient ce portrait romantique, ce traitement traditionnel de la scène première vue, surtout si l'on prend en compte le caractère largement autobiographique du récit ? En 1838 déjà, dans Mémoires d'un fou, Flaubert avait raconté que, lors de sa rencontre avec Elisa Schelinger, il avait sauvé de la marée montante une pelisse rouge appartenant à celle qui prénommait Maria. [...]
[...] A l'opposé, Madame Arnoux semble, elle, bien ancrée dans le réel, avec son ouvrage de broderie, ses principes éducatifs et un mari qui lui semble peu assorti. Malgré cela, n'est-elle pas prête à l'amour ? C'est ce que laisse entendre l'échange final des regards. Certes, cette scène de rencontre ne peut être lue seulement au premier degré : ce n'est pas La belle au bois dormant, et il semble évident que Frédéric et Marie Arnoux ne se marieront pas, n'auront pas beaucoup d'enfants ! [...]
[...] A travers le regard émerveillé porté sur Marie, c'est aussi Frédéric que Flaubert présente à son lecteur. Flaubert nous offre de son personnage un portrait qui contraste avec celui de l'apparition Frédéric, lui, apparaît comme un jeune homme pétri de romantisme –nous sommes en 1840 au début du roman, Frédéric, né en 1822, a dix-huit ans. Madame Arnoux l'éblouit parce qu'elle correspond aux critères de beauté romantiques : grand chapeau de paille orné de rubans roses, bandeaux noirs, contournant la pointe de ses grands sourcils l robe vaporeuse« de mousseline claire l.7, finesse diaphane des doigts que la lumière traversait l.14. [...]
[...] "L'éducation sentimentale", Gustave Flaubert (1869) - la rencontre de Frédéric Moreau avec Mme Arnoux Gustave Flaubert a quinze ans, en 1836, lorsqu'il rencontre, sur la plage de Trouville, la belle Elisa Schlesinger, épouse d'un éditeur de musique. Ainsi débute une longue passion impossible, nourrie d'exaltations littéraires, qui retentira sur l'ensemble de son œuvre. Ce fut comme une apparition : par cette phrase devenue célèbre, l'auteur de L'éducation sentimentale inaugure, au début du roman paru en 1869, la rencontre entre Frédéric Moreau et l'épouse du sieur Arnoux. [...]
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